Une fois que j'ai réappris à respirer par moi-même et que l'on a jugé qu'il n'était plus nécessaire de me garder aux soins intensifs, on me fit grimper au 6e étage de l'hôpital où je fus transférée à la chambre que j'allais occuper durant les 3 mois suivants.
À partir de ce moment, ce fut comme une douche froide: fini les soins immédiats au moindre signe d'inconfort; fini le temps où on aurait pu jurer que j'étais la seule malade de tout le département tellement on avait de temps à me consacrer. À partir de ce moment, je devais sonner si j'avais besoin de quoi que ce soit et attendre patiemment mon tour, comme le rappelle si bien le terme employé pour désigner un malade dans un hôpital: un «patient».
Puisque je n'étais plus engluée dans une espèce de brume de demi-sommeil et que j'étais parfaitement éveillée à tout ce qui m'arrivait, j'avais maintenant conscience des traitements très spécifiques et rigoureux qu'on devait me prodiguer et de toute la médication abondante qu'il fallait m'administrer afin que je souffre le moins possible. Je posais un milliard de questions, voulant tout connaître sur mon état et sur la nature de chaque médicament, pommade ou pansement que l'on appliquait sur mes plaies. Ma curiosité incessante m'apprit donc que, en plus d'avoir les fractures au bassin dont j'étais au courant et les graves ennuis à ma circulation sanguine, l'autobus qui m'a happée m'avait traînée quelque peu sur la chaussée, causant de très sévères dommages au côté extérieur de ma fesse droite, rendant la peau qui la recouvrait complètement morte. Et puis, il avait fallu ouvrir mon mollet gauche à deux endroits afin de pratiquer toutes les interventions chirurgicales nécessaires et on avait constaté alors que plusieurs muscles présents dans ce mollet étaient aussi complètement atrophiés par le choc. Même phénomène sur le haut de ma cuisse gauche, là où, précisément, la roue arrière du mastodonte a laissé son empreinte à vie. La peau et certains tissus se trouvant juste au-dessous n'ont pas résisté à l'impact. Donc, petit bilan sommaire: à trois endroits sur mon corps, lorsqu'on retirait les pansements, on voyait mes os et mes muscles carrément, puisque la peau qui aurait dû les recouvrir n'était plus. Lorsque les infirmières nettoyaient mes plaies afin de changer les pansements qui les recouvraient, j'avais l'impression qu'ils nettoyaient des trous (et, à certains endroits, c'était le cas, notamment à ma cuisse gauche et à mon mollet gauche). Et, croyez-moi, cette partie des soins était une dure épreuve pour moi à chaque fois. Et je devais recevoir ces précieux soins matin et soir… Très, très éprouvant, je vous assure… C'est que c'était extrêmement douloureux, malgré toute la morphine que je recevais à très forte dose. En plus, il y avait une façon d'empoigner ma jambe pour la lever, lorsqu'il fallait enrouler les bandages, mais la plupart ne le savait pas ou faisait les choses juste un peu trop vite, alors il n'était pas rare qu'on m'attrape le pied pour lever ma jambe: HORREUR! Ça me faisait un mal atroce… Ma mère, qui assistait à TOUS les changements de pansements, a vite appris tous les rudiments de cette pénible tâche, en passant par tout ce qu'il fallait appliquer et à quel endroit précisément. C'était magique, car malgré les fréquents changements de personnel, il y avait toujours une rigoureuse constance dans la façon de prodiguer les soins, car ma maman veillait à tout. Et puis, seule elle savait comment lever ma jambe sans me faire souffrir, alors lorsque venait de temps de nettoyer sous la jambe ou d'enrouler les bandages, Maman prenait doucement ma précieuse jambe, en prenant soin de créer un point d'appui sous mon genou afin que cela tire moins les plaies et d'éviter les élancements si douloureux. Je ne voulais plus qu'il y ait changements de pansements sans elle et elle s'y prêtait toujours très assidûment et avec amour. Mon père, de son côté, ne parvenait pas à regarder ma jambe lorsque les plaies étaient à découvert, alors il m'appuyait à d'autres moments.
Mes deux parents ont joué chacun un rôle extraordinaire et indispensable dans mon rétablissement, de deux façons complètement différentes, mais totalement complémentaires. Au fil des jours, il s'est installé, dans ma chambre d'hôpital, un petit mode de vie stable et rassurant:
Le matin, très tôt, (vers 7h du matin environ), ma mère arrivait pour passer la journée entière avec moi, sans oublier le début de la soirée, puisqu'elle assistait aux soins du soir avant de quitter l'hôpital. Donc, le matin, il y avait les pansements, puis on changeait les draps de mon lit, ce qui était assez éprouvant pour moi, car il fallait me déplacer plusieurs fois pour parvenir à effectuer cette tâche. Alors, après ces deux moments terribles du début de journée, ma maman effectuait ma toilette quotidienne (c'est très intimidant de devoir se laisser laver par autrui; au moins, lorsqu'il s'agit de notre maman, ça met en confiance. De toute façon, l'hôpital et la pudeur, ça ne fait pas une très bonne paire). Puis, ensuite, c'était le moment que je préférais de la journée. Une fois toutes les tâches ennuyeuses et douloureuses accomplies, ma mère s'installait à mon chevet et me faisait la lecture. D'une voix douce, elle me lisait tout ce que j'avais envie de lire et comme mes proches savaient que j'adorais lire (ce qui est toujours le cas aujourd'hui), je me faisais offrir beaucoup de livres en cadeau. C'est donc ainsi que j'ai pu lire une foule de livres en un temps record et comme j'étais déjà, à cette époque, fascinée par les livres sur le développement personnel, j'ai pu m'instruire sur une foule de choses qui auront été pour moi de précieux outils dans mon rétablissement. C'est ainsi, au fil de mes lectures, que je prenais aussi le temps de réfléchir sur moi-même, sur ma vie et la façon dont je voulais CHOISIR de la vivre. J'aurais pu choisir de déprimer et de la voir toute noire, mais je crois sérieusement que je n'aurais pas réussi à guérir de façon aussi extraordinaire si j'avais choisi cette option. J'ai plutôt préféré prendre la décision suivante: quoi qu'en disent le personnel médical, j'allais GUÉRIR. Et non seulement j'allais guérir, mais j'allais quitter cet hôpital SUR MES DEUX JAMBES. Ça prendrait le temps que ça prendrait; c'est ainsi que ça allait se passer: parole de Katia Daraîche! Rien de moins! D'ailleurs, je crois définitivement que c'est à partir de cette période charnière de ma vie que j'ai officiellement décidé de toujours conserver une attitude positive devant toute situation et de ne jamais me laisser amortir par des peurs ou des doutes qui pourraient faire obstacle à la réalisation de mes rêves.
Donc, je lisais, grâce à la douce voix de ma mère qui me donnait les plus merveilleux outils de guérison, sans même savoir à quel point tout cela m'était cher et précieux. Aussi, lorsqu'elle voyait que je commençais à tomber de sommeil, elle refermait le livre que nous lisions et m'offrait ses plus douces caresses. Comme j'adore les caresses, imaginez tout le réconfort que j'en ressentais et combien je me sentais en sécurité et aimée…. Et voilà que je m'abandonnais à cet amour maternel si enveloppant pour me laisser aller à un repos des plus réparateurs.
Plus tard, nous restions ensemble, à se parler ou à continuer à lire, peu importe, jusqu'à ce que les traitements du soir soient faits et que Maman soit assurée que je serai bien pour terminer la soirée sans me soucier de quoi que ce soit.
Le soir, après le souper, mon père faisait son entrée. À part les changements de pansements auxquels il ne pouvait assister, il était avec moi en permanence, dès son arrivée et ce jusqu'au retour de ma mère le lendemain matin. Pour lui, cela signifiait des longues nuits à me veiller et à dormir sur un petit lit pliant installé près du mien afin qu'il puisse être tout proche. Les seuls soirs où il arrivait un peu plus tard sont ceux où il donnait des spectacles, ce qu'il a eu beaucoup de mal à recommencer à faire suite à mon accident. Il était extrêmement atterré par cette épreuve et il était bien loin d'avoir le coeur à chanter. Ces soirs-là où il réussissait tant bien que mal à se produire sur scène, il venait me retrouver à l'hôpital tout de suite après le spectacle. Il a mené ce train de vie pendant une soixantaine de nuits.
Le soir, c'était une tout autre ambiance, mais aussi géniale! Avec Papa, je voulais continuer à apprendre des chansons, à chanter, à l'écouter surtout. Sans oublier que, seul avantage à la vie beaucoup plus dure à l'étage, j'avais le droit de recevoir des visiteurs. Il y avait donc, chaque soir, près d'une dizaine de proches qui venaient me voir. Le personnel de l'hôpital était sidéré par les attroupements qu'il y avait quotidiennement dans ma chambre le soir. Ils prétendaient que le fait de recevoir autant de visiteurs allait me fatiguer, mais c'était tout à fait faux! J'avais besoin de tous ces gens près de moi; ça me remontait le moral et me faisait si chaud au coeur de les voir! Il me fallait leur présence à tous, autant qu'ils étaient. C'était impératif pour moi.
Donc, avec Papa, il y avait la musique, la complicité, la visite; bref: c'était soir de fête à répétition et ce, pour mon plus grand bonheur! Il n'était pas rare, lorsque nous chantions ensemble, de voir des infirmières ou des visiteurs d'autres patients s'agglutiner à la porte de ma chambre afin d'écouter nos prestations quotidiennes. Nous recevions même des demandes spéciales! Et on se faisait un plaisir de leur offrir leur demande. C'était comme donner des petits spectacles tous les soirs!
Un soir que mon père et moi bavardions joyeusement, je lui demandai: «Papa, tu sais ce qui me ferait tellement plaisir? Tu me montres une foule de chansons: c'est génial! À présent, je serais la plus heureuse du monde si tu m'apprenais la guitare…» Là, je touchais à une corde sensible chez mon père. Je lui avais souvent fait cette demande par le passé, mais il refusait toujours, sa principale raison étant que le fait de pincer les cordes de la guitare pour former des accords provoquait de la corne sur le bout des doigts, ce qui pourrait nuire à ma lecture du braille. Là, à ce moment précis, en direct de mon super lit d'hôpital avec toute ma collection de tubes et mes broches en travers du corps, je crois que j'aurais pu demander la lune et la voir m'arriver, peu de temps après, sur un plateau d'or. (rire) Ainsi donc, je formulai, pour une Xième fois, ma demande à mon père. Il ne dit rien sur le coup, mais, quelques jours plus tard, il arriva à l'hôpital, tout fébrile et un peu plus tôt qu'à l'habitude. Je me demandais bien pourquoi cette euphorie dans sa voix et j'adorais le voir ainsi. Je ne mis pas longtemps à saisir ce qui le rendait aussi joyeux. Il avait à la main… nulle autre que ma première guitare! Une superbe guitare classique: le compromis parfait que mon père avait trouvé pour épargner mes bouts de doigts autant que possible, puisque les cordes d'une guitare classique sont faites de nylon et sont un peu moins coupantes, ce qui endommage moins le bout des doigts. Wow! Imaginez la joie débordante qui me remplissait… Je n'ai pas attendu de ne plus avoir de broches au bassin pour vouloir commencer à apprendre mes premiers accords, oh que non! On a commencé immédiatement. On appuyait la guitare sur les broches et hop! C'était de la pure magie, de la vraie de vraie magie, je vous le dis! C'était difficile, j'avais l'impression que mes doigts n'appuieraient jamais assez fort pour donner des accords qui sonneraient bien, mais bien entendu, à force de pratique acharnée, j'ai fini par réussir à produire de beaux accords, du moins, presque. Il n'en demeurait pas moins que le manche d'une guitare classique étant plus large que celui d'une guitare acoustique, j'avais toujours un peu de mal à produire de beaux accords «barrés», comme on les appelle communément. Un autre de ces beaux jours magiques, mon papa m'est arrivé à l'hôpital avec un cadeau tout aussi extraordinaire que le précédent: ma deuxième guitare! Cette fois-ci, il s'agissait d'une guitare acoustique, donc avec des cordes métalliques, oui, mais avec un manche beaucoup plus étroit et plus facile à utiliser pour former les accords même les plus difficiles. De plus, cette guitare était aussi dotée du nécessaire pour être branchée à un amplificateur, ce qui fait qu'elle était beaucoup plus mince que la normale. Elle était donc toute petite, comme si elle avait été fabriquée juste pour moi. Une pure merveille! Il faut mentionner que je les ai toujours aujourd'hui et ce pour toute ma vie. Elles font partie des cadeaux les plus précieux que j'ai reçus.
La nuit, lorsque je souffrais trop pour arriver à bien dormir, je demandais souvent à mon père de bien vouloir chanter pour moi. J'avais reçu en cadeau un magnifique livre contenant les paroles de centaines de chansons francophones. Puisque mon papa a chanté les chansonniers français durant des années au début de sa carrière, il connaissait très bien toutes celles contenues dans ce livre. Alors, lorsque je lui demandais de chanter, il s'emparait de ma guitare classique et, tout doucement pour ne pas réveiller les patients qui, plus chanceux que moi, parvenaient à dormir, il chantait, juste pour mon bon plaisir à moi… C'était si réconfortant et si émouvant…
On faisait tout pour que ces étapes cruciales de mon rétablissement se passent pour le mieux. Mais évidemment, tout cela ne se vivait pas sans souffrance. J'avais des crampes épouvantables dans ma jambe, causant des douleurs insupportables. La seule façon que les médecins ont trouvée pour les soulager était de brancher à moi un petit appareil magique qui me permettait de m'administrer moi-même des doses de morphine de façon régulière. Bien sûr, je ne pouvais tout de même pas en demander à volonté, mais l'appareil était programmé de façon à me permettre de recevoir une dose toutes les 10 minutes si besoin était. Je parvenais ainsi à maintenir mon niveau de souffrance au plus bas niveau possible. Aussi, puisque mon bassin était fracturé et que je devais être immobilisée durant 2 mois complets, les spécialistes ont recommandé que mon lit soit constitué de sable et d'air, de façon à ce que ça bouge continuellement en dessous de moi afin d'éviter les plaies de lit. J'étais donc couchée dans un lit à moteur qui me donnait l'impression, sous les fortes hallucinations que me causait la morphine, que je me promenais à l'intérieur de l'hôpital comme à bord d'un automobile! (rire)
C'était ainsi que, une journée, une soirée, une nuit à la fois, je traversais ce qui allait durer 8 mois au total avant que je puisse être complètement rétablie. Il y eut, une fois mon bassin bien replacé, une longue et très pénible période de réadaptation comportant beaucoup de physiothérapie, entre autres. Cette période remplie de rebondissements de toutes sortes, je vous la réserve pour le prochain petit bout de moi qui devrait finir de couvrir tout ce qui englobe l'accident et tout ce qui s'en est suivi.
Merci de votre belle assiduité et de vos merveilleuses réactions face à ces petites tranches de ma vie et au plaisir de vous retrouver très bientôt pour un autre petit bout de moi.
Le blogue de Katia Daraîche
Permettez-moi de m'ouvrir à vous en toute simplicité, sans prétention et avec toute mon amitié. Ce blogue constitue mon journal intime, tout simplement. J'espère que vous prendrez plaisir à me cotoyer via mes confidences et aussi que j'aurai le bonheur de vous lire.
dimanche 9 décembre 2012
dimanche 2 décembre 2012
Complicité, magie, pur bonheur!
Hier soir, j'avais le bonheur de me produire en spectacle avec ma famille: La Famille Daraîche. Ce spectacle avait lieu à la salle L'Opale de Saint-Lin et était animée par nul autre que notre ami Richard Gauthier et organisé de merveilleuse façon par la très sympathique Carole Dalpé.
Lors de cette soirée, nous avons offert à notre public des succès incontournables qu'ils adorent, mais également quelques classiques de Noël pour bien installer la magie des fêtes et, de plus, quelques merveilleuses nouveautés tirées des albums de Dani et de Paul Daraîche.
Au chapitre des nouveautés, notre amie Nathalie Lord, Dani Daraîche ainsi que moi-même avons eu l'honneur d'avoir été invitées par mon père à chanter en duo avec lui. Pour ma part, j'ai eu le plaisir d'interpréter avec lui sa superbe chanson Tout de moi pour toi, qu'il interprète avec Cindy Daniel sur son tout nouvel album Mes amours, mes amis. Quel moment de complicité extraordinaire! Bien que la nervosité y était palpable puisqu'il s'agissait de notre première interprétation de cette chanson ensemble devant public, nous avons véritablement vécu à fond ce moment et avons su, je crois, faire transparaître notre éternelle complicité pour le grand bonheur de nos fans qui ont semblé être très touché par cette prestation. De mon côté, je regardais mon père pendant qu'il chantait ses parties dans la chanson, avec une telle fierté et une telle joie d'être là, à ses côtés, à partager ce moment avec lui. Je suis fière à un tel point de la belle réussite qu'il savoure présentement. Son album est certifié or depuis un peu plus d'une semaine maintenant; il s'agit d'un exploit dans le domaine Country francophone, où les médias sont plutôt frileux à l'idée de diffuser cette musique pourtant très aimée du public. Depuis 45 ans qu'il oeuvre pour cette belle musique du coeur et qu'il en compose les plus beaux succès, mon papa mérite tellement d'être apprécié à sa juste valeur et c'est ce qui lui arrive à présent. Un immense BRAVO!
Cette soirée a laissé également toute la place à de la merveilleuse complicité familiale. C'est toujours si bon pour moi de chanter à leurs côtés et de pouvoir échanger avec eux entre nos tours de chant respectifs. Je les aime tous si fort!
Voilà, j'avais envie de vous faire vivre un autre beau moment de bonheur vécu avec toute l'intensité qui accompagne ce genre de soirées mémorables.
Lors de cette soirée, nous avons offert à notre public des succès incontournables qu'ils adorent, mais également quelques classiques de Noël pour bien installer la magie des fêtes et, de plus, quelques merveilleuses nouveautés tirées des albums de Dani et de Paul Daraîche.
Au chapitre des nouveautés, notre amie Nathalie Lord, Dani Daraîche ainsi que moi-même avons eu l'honneur d'avoir été invitées par mon père à chanter en duo avec lui. Pour ma part, j'ai eu le plaisir d'interpréter avec lui sa superbe chanson Tout de moi pour toi, qu'il interprète avec Cindy Daniel sur son tout nouvel album Mes amours, mes amis. Quel moment de complicité extraordinaire! Bien que la nervosité y était palpable puisqu'il s'agissait de notre première interprétation de cette chanson ensemble devant public, nous avons véritablement vécu à fond ce moment et avons su, je crois, faire transparaître notre éternelle complicité pour le grand bonheur de nos fans qui ont semblé être très touché par cette prestation. De mon côté, je regardais mon père pendant qu'il chantait ses parties dans la chanson, avec une telle fierté et une telle joie d'être là, à ses côtés, à partager ce moment avec lui. Je suis fière à un tel point de la belle réussite qu'il savoure présentement. Son album est certifié or depuis un peu plus d'une semaine maintenant; il s'agit d'un exploit dans le domaine Country francophone, où les médias sont plutôt frileux à l'idée de diffuser cette musique pourtant très aimée du public. Depuis 45 ans qu'il oeuvre pour cette belle musique du coeur et qu'il en compose les plus beaux succès, mon papa mérite tellement d'être apprécié à sa juste valeur et c'est ce qui lui arrive à présent. Un immense BRAVO!
Cette soirée a laissé également toute la place à de la merveilleuse complicité familiale. C'est toujours si bon pour moi de chanter à leurs côtés et de pouvoir échanger avec eux entre nos tours de chant respectifs. Je les aime tous si fort!
Voilà, j'avais envie de vous faire vivre un autre beau moment de bonheur vécu avec toute l'intensité qui accompagne ce genre de soirées mémorables.
dimanche 11 novembre 2012
Des petits bouts de moi #16: Après le choc… on se relève!
Je me réveille, plusieurs jours après le tragique événement du 4 octobre 1990. J'ai du mal à réaliser ce qui m'arrive. Je suis dans une salle des soins intensifs de l'hôpital Sainte-Justine… Une infirmière est à mes côtés en permanence, prenant mes signes vitaux à tout moment, mais de façon surprenante pour moi: qu'il s'agisse de prendre ma température sous mon bras ou de prendre mon pouls sous mes deux pieds et de comparer les résultats, ces façons de procéder sont toutes nouvelles pour moi et je n'y comprends pas grand-chose, pour ne pas dire absolument rien. D'ailleurs, ce n'est pas surprenant, puisque je ne connais pas l'étendue des dégâts causés par l'énorme roue de ce mastodonte qui m'est passé dessus. Je m'examine un peu, autant que je puisse le faire dans ces conditions, afin de constater un peu dans quel état je suis. Arrivée à mon ventre, je touche d'énormes tiges métalliques et je les suis, pour constater avec surprise qu'elles pénètrent en moi par trois trous de chaque côté de mon ventre et que le tout se réunit au-dessus, de façon à tenir en un seul morceau, mais je ne sais pas à quelle profondeur tout cela se trouve à l'intérieur de mon corps et encore moins l'utilité de ces tiges. Puis, j'ai des tubes partout. Je suis reliée à plusieurs machines qui ont certainement toutes leur raison d'être branchées à moi, mais pour l'instant, j'ignore tout. Je veux savoir, je veux comprendre… Je vais poser des questions; ainsi, j'aurai très certainement des réponses. J'essaie de parler, mais aucun son ne sort de ma bouche. C'est comme si tout était bloqué dans ma gorge. Je porte attention et je m'aperçois que j'ai quelque chose qui est installé dans ma bouche: un tube me reliant à un respirateur. Wooo! C'est plus grave que grave… Pourquoi n'arrivais-je pas à respirer par moi-même? Et puis, ne pas parler, ne pas pouvoir interroger les infirmières et médecins qui gravitent autour de moi, c'est catastrophique pour moi… Je ne saurais même pas expliquer comment, mais je finis par me faire comprendre de quelque façon que ce soit et, une fois qu'on se rend compte que je suis consciente et bien éveillée, on m'explique que j'ai eu 5 fractures au bassin, que la circulation dans ma jambe gauche a été gravement, très gravement endommagée, qu'ils ont dû procéder à des transferts de veine d'une jambe à l'autre et à des pontages afin de tenter de créer une circulation sanguine acceptable dans cette jambe. Mais on me dit aussi que la partie n'est pas encore gagnée; on ne sait pas encore si on pourra la sauver et si ce système circulatoire de dépannage tiendra le coup. C'est pourquoi on prend régulièrement mon pouls sous mon pied gauche: on vérifie si le sang y circule convenablement. D'ailleurs, l'inquiétude règne visiblement chaque fois qu'on répète cette procédure: sous mon pied droit, le pouls est parfait; sous le gauche, il est presque imperceptible… De plus, j'entends mes parents s'attrister de voir la couleur anormale de mon pied, qui passe du bleu au blanc… Puis à la peau qui sèche et s'en détache… Je commence donc à faire des liens: on prend ma température sous mon bras car ma bouche est obstruée par le tube qui me permet de respirer. J'ai le bassin fracturé à 5 endroits, c'est pourquoi j'avais l'impression d'avoir le pubis détaché du reste du corps. J'ai une jambe bien amochée, mais qui se bat pour rester. Voilà le tableau de ce que je comprends, à ce stade de mon rétablissement.
Malgré cette série de constatations désolantes et effrayantes, je n'ai pas très mal et vous aurez deviné que c'est parce qu'on me soulage avec de très puissantes doses de morphine que je reçois très régulièrement; en fait, dès que je démontre des signes de souffrance. Et puis, mes parents sont avec moi constamment. Il y a toujours soit mon père ou ma mère à mon chevet, qui me caresse, me parle, me dit que j'ai eu tout un choc, mais que je me remettrai très vite sur pied et que tout rentrera dans l'ordre et qu'on fera une grande fête une fois que tout cela sera terminé. Bref, on me soulage de mes souffrances et on me rassure. Quoi de mieux?
Cette période, qui devrait être la plus inquiétante de tout mon rétablissement, est la plus réconfortante et enveloppante. On est à mes côtés 24 heures sur 24, à l'écoute de mes moindres besoins et dès que la douleur se pointe, hop! On la chasse à grands coups d'injections bienfaisantes. Bref, je suis aussi en sécurité que le foetus dans le ventre de sa mère…
Puisque les deux seules personnes autorisées à être en contact avec moi sont mes parents, un système très ingénieux se met en place pour me permettre d'avoir des nouvelles du reste de ma famille et de mes amis qui ne peuvent pas me voir à ce moment-ci. À l'aide d'un magnétophone très portatif qui circule d'une personne à l'autre, on m'enregistre de merveilleux témoignages sur une cassette et, une fois que tout le monde y a ajouté son petit mot, l'appareil revient dans ma chambre, par l'un ou l'autre de mes parents et, bonheur suprême, j'écoute les voix de toutes ces personnes si chères à mon coeur… On me dit tout un tas de choses et ce qui est fabuleux, c'est que même si tout le monde est atterré, le message premier est d'un positif extraordinaire: «Tu as eu tout un choc ma chérie, mais tu vas passer à travers ça comme une gagnante! Tu vas très vite guérir et tu sais quoi? On va faire un super gros party quand tu seras guérie. On va fêter en grand! Reviens-nous vite et en forme! On est tous avec toi. On t'aime et on pense à toi très fort.» C'était à peu près l'essentiel des messages qu'on me laissait sur cette cassette magique. Toutes les voix si précieuses de mes parents, mon frère, mes tantes, des cousins, cousines, des amis, mon amoureux, etc. Tout le monde y était; il ne manquait absolument personne. Si vous saviez comme j'avais hâte de ne plus avoir ce sacré tube dans la bouche pour pouvoir leur répondre…
Mon amoureux a même été inspiré par cette cassette et m'en a préparé une bien spéciale, juste à lui: on y retrouvait plein de superbes chansons Country qui avaient un lien avec nous deux ou avec moi simplement, le tout entrecoupé de petits messages de son cru. J'avais droit à une émission de radio personnalisée où mon bien-aimé était l'animateur du jour. C'était extrêmement touchant.
Au bout de quelques semaines, alors que je faisais mille et un signes qui voulaient dire «Quand allez-vous m'enlever ce maudit tube?», on m'explique que je dois garder ce tube tant et aussi longtemps que je ne respirerai pas entièrement par moi-même. Je me mets donc à analyser ma respiration et je constate avec stupéfaction et horreur que j'oublie très fréquemment de respirer moi-même! Mais qu'est-ce que c'est que cette plaisanterie? Depuis quand oublie-t-on de respirer? Oui, je dois réagir et ça presse! «Je dois respirer… Respire, Katia; respire…» Je vous assure! Cela peut paraître extrêmement bizarre, mais je me mets à cet apprentissage de manière très intensive, me répétant de respirer à tout moment; si bien que je finis par développer à nouveau ce réflexe si naturel qu'est celui de la respiration. Pour mon plus grand bonheur, un jour, on retire les tubes que j'ai dans le nez et dans la bouche. ENFIN!!! C'est alors que je m'emploie intensivement à poser toutes les questions que j'étais obligée de garder pour moi et aussi à répondre à tous les merveilleux messages que j'avais entendus sur la superbe cassette. Je tiens à tous mes proches des propos ressemblant à ceci: «Merci pour vos beaux messages… Oui, je vous le promets, je vais me sortir de ça comme une vraie "winner"! Et puis je vous prends au mot, car je le veux, le gros party que vous voulez faire une fois que je serai guérie. Un méchant party, je vous le promets!» Tous me parlaient toujours de faire une grande fête car j'ai une réputation de grande fêteuse qui me précède… (rire)
Une fois les tubes retirés, on finit par constater, au bout de quelques semaines, que mon état ne nécessite plus de demeurer aux soins intensifs. On me transfère donc à ma chambre au 6e étage de l'hôpital (chambre 6103: 6e étage, bloc 1, lit 3; j'ai demandé ce que voulait dire ce chiffre, comme je demande ce que tout veut dire…). Mais, une fois transférée, le choc est brutal: ce ne sont plus les soins intensifs; je ne suis pas seule sur l'étage. Lorsque j'ai besoin de quelque chose, on n'accourt plus dans les 30 secondes; je dois sonner et… attendre… Les infirmières et préposés sont plus pressés; j'ai donc l'impression de les déranger un peu lorsque je fais une demande. Bref, j'ai l'impression d'être moins chaleureusement accueillie sur l'étage que je ne l'ai été aux soins intensifs et ça me donne un coup. Heureusement, il y a une belle récompense à cette attention moins importante du personnel hospitalier: tous mes proches peuvent venir me voir! Yes!!! Et puis, des liens se créent avec certaines infirmières toutes spéciales aussi.
Lors du prochain «Petit bout de moi», je vous entraînerai dans le vif du rétablissement. Je vous ferai vivre les soirées de musique que mon père et moi passions ensemble dans ma chambre d'hôpital, des chansons que j'apprenais, de mes premières leçons de guitare, de la visite très nombreuse qui me remontait le moral, des belles périodes de lecture avec ma mère, sans oublier tous les soins qui se poursuivaient, afin que mon état continue à s'améliorer.
C'est un rendez-vous!
Malgré cette série de constatations désolantes et effrayantes, je n'ai pas très mal et vous aurez deviné que c'est parce qu'on me soulage avec de très puissantes doses de morphine que je reçois très régulièrement; en fait, dès que je démontre des signes de souffrance. Et puis, mes parents sont avec moi constamment. Il y a toujours soit mon père ou ma mère à mon chevet, qui me caresse, me parle, me dit que j'ai eu tout un choc, mais que je me remettrai très vite sur pied et que tout rentrera dans l'ordre et qu'on fera une grande fête une fois que tout cela sera terminé. Bref, on me soulage de mes souffrances et on me rassure. Quoi de mieux?
Cette période, qui devrait être la plus inquiétante de tout mon rétablissement, est la plus réconfortante et enveloppante. On est à mes côtés 24 heures sur 24, à l'écoute de mes moindres besoins et dès que la douleur se pointe, hop! On la chasse à grands coups d'injections bienfaisantes. Bref, je suis aussi en sécurité que le foetus dans le ventre de sa mère…
Puisque les deux seules personnes autorisées à être en contact avec moi sont mes parents, un système très ingénieux se met en place pour me permettre d'avoir des nouvelles du reste de ma famille et de mes amis qui ne peuvent pas me voir à ce moment-ci. À l'aide d'un magnétophone très portatif qui circule d'une personne à l'autre, on m'enregistre de merveilleux témoignages sur une cassette et, une fois que tout le monde y a ajouté son petit mot, l'appareil revient dans ma chambre, par l'un ou l'autre de mes parents et, bonheur suprême, j'écoute les voix de toutes ces personnes si chères à mon coeur… On me dit tout un tas de choses et ce qui est fabuleux, c'est que même si tout le monde est atterré, le message premier est d'un positif extraordinaire: «Tu as eu tout un choc ma chérie, mais tu vas passer à travers ça comme une gagnante! Tu vas très vite guérir et tu sais quoi? On va faire un super gros party quand tu seras guérie. On va fêter en grand! Reviens-nous vite et en forme! On est tous avec toi. On t'aime et on pense à toi très fort.» C'était à peu près l'essentiel des messages qu'on me laissait sur cette cassette magique. Toutes les voix si précieuses de mes parents, mon frère, mes tantes, des cousins, cousines, des amis, mon amoureux, etc. Tout le monde y était; il ne manquait absolument personne. Si vous saviez comme j'avais hâte de ne plus avoir ce sacré tube dans la bouche pour pouvoir leur répondre…
Mon amoureux a même été inspiré par cette cassette et m'en a préparé une bien spéciale, juste à lui: on y retrouvait plein de superbes chansons Country qui avaient un lien avec nous deux ou avec moi simplement, le tout entrecoupé de petits messages de son cru. J'avais droit à une émission de radio personnalisée où mon bien-aimé était l'animateur du jour. C'était extrêmement touchant.
Au bout de quelques semaines, alors que je faisais mille et un signes qui voulaient dire «Quand allez-vous m'enlever ce maudit tube?», on m'explique que je dois garder ce tube tant et aussi longtemps que je ne respirerai pas entièrement par moi-même. Je me mets donc à analyser ma respiration et je constate avec stupéfaction et horreur que j'oublie très fréquemment de respirer moi-même! Mais qu'est-ce que c'est que cette plaisanterie? Depuis quand oublie-t-on de respirer? Oui, je dois réagir et ça presse! «Je dois respirer… Respire, Katia; respire…» Je vous assure! Cela peut paraître extrêmement bizarre, mais je me mets à cet apprentissage de manière très intensive, me répétant de respirer à tout moment; si bien que je finis par développer à nouveau ce réflexe si naturel qu'est celui de la respiration. Pour mon plus grand bonheur, un jour, on retire les tubes que j'ai dans le nez et dans la bouche. ENFIN!!! C'est alors que je m'emploie intensivement à poser toutes les questions que j'étais obligée de garder pour moi et aussi à répondre à tous les merveilleux messages que j'avais entendus sur la superbe cassette. Je tiens à tous mes proches des propos ressemblant à ceci: «Merci pour vos beaux messages… Oui, je vous le promets, je vais me sortir de ça comme une vraie "winner"! Et puis je vous prends au mot, car je le veux, le gros party que vous voulez faire une fois que je serai guérie. Un méchant party, je vous le promets!» Tous me parlaient toujours de faire une grande fête car j'ai une réputation de grande fêteuse qui me précède… (rire)
Une fois les tubes retirés, on finit par constater, au bout de quelques semaines, que mon état ne nécessite plus de demeurer aux soins intensifs. On me transfère donc à ma chambre au 6e étage de l'hôpital (chambre 6103: 6e étage, bloc 1, lit 3; j'ai demandé ce que voulait dire ce chiffre, comme je demande ce que tout veut dire…). Mais, une fois transférée, le choc est brutal: ce ne sont plus les soins intensifs; je ne suis pas seule sur l'étage. Lorsque j'ai besoin de quelque chose, on n'accourt plus dans les 30 secondes; je dois sonner et… attendre… Les infirmières et préposés sont plus pressés; j'ai donc l'impression de les déranger un peu lorsque je fais une demande. Bref, j'ai l'impression d'être moins chaleureusement accueillie sur l'étage que je ne l'ai été aux soins intensifs et ça me donne un coup. Heureusement, il y a une belle récompense à cette attention moins importante du personnel hospitalier: tous mes proches peuvent venir me voir! Yes!!! Et puis, des liens se créent avec certaines infirmières toutes spéciales aussi.
Lors du prochain «Petit bout de moi», je vous entraînerai dans le vif du rétablissement. Je vous ferai vivre les soirées de musique que mon père et moi passions ensemble dans ma chambre d'hôpital, des chansons que j'apprenais, de mes premières leçons de guitare, de la visite très nombreuse qui me remontait le moral, des belles périodes de lecture avec ma mère, sans oublier tous les soins qui se poursuivaient, afin que mon état continue à s'améliorer.
C'est un rendez-vous!
samedi 3 novembre 2012
Des petits bouts de moi #15: Tout bascule...
Si vous permettez, je vais employer le présent pour ce «petit bout de moi», afin de vous transporter à l'époque où je veux vous inviter à me suivre et pour vous faire vivre les différentes scènes de manière aussi réelle que possible.
Nous sommes à l'automne 1990. J'ai eu 16 ans le 6 septembre de cette même année. Je me sens à un carrefour important dans ma vie. Un courant m'emporte, je le sens bien. Ma passion pour la musique étant bien définie depuis toujours, j'aurai enfin la chance de l'étudier dans toute sa splendeur, sous toutes ses notes quoi! Mais tout cela est nouveau pour moi. Découvrir le style classique, en étudier ses origines, la comprendre dans toutes ses possibilités de structure, la chanter aussi. Ouf! On est bien loin du Country! Je me sens comme en pays étranger, mais j'adore ce dépaysement et je n'ai pas assez de tous mes sens pour m'émerveiller de tout ce que je reçois durant ce début de mes études collégiales.
Lorsque j'ai rempli les formulaires de demande d'admission au Cégep, j'ai dû choisir deux instruments de musique que je souhaitais étudier: mon choix s'est arrêté sur le chant et le piano. En choisissant le chant, je me retrouve avec de multiples occasions de chanter cette musique classique que j'apprends à connaître. Outre les cours de chant comme tels, j'ai également des ateliers appelés «petit ensemble vocal», où l'on apprend une pièce de Bach chantée en allemand s'il vous plaît! Ouf! De plus, ma familiarisation avec l'allemand ne s'arrête pas là, puisque j'ai aussi un cours de chorale à suivre, avec tous les étudiants du département de musique, sauf ceux qui ont choisi un instrument à vent comme instrument principal. Nous sommes donc 85 élèves dans cette magnifique chorale où on étudie plusieurs pièces à la fois, qui me font apprivoiser l'allemand, là aussi. Puis, mon contact avec les langues étrangères se poursuit, puisque je dois apprendre deux pièces en italien dans le cadre de mon cours de chant. Ouf! Que de nouveauté! Seuls les cours de théorie musicale, solfège et piano me permettent d'évoluer dans une certaine zone de confort.
Pendant ce temps, ma carrière Country démarre véritablement. Depuis 1989, je chante officiellement de façon professionnelle, me produisant en spectacle tantôt avec mon père, tantôt seule. Et puis, depuis cet été 1990, nous avons commencé à recevoir des invitations à nous produire en famille, alors nous donnons maintenant certains spectacles à quatre: mon père Paul, ma tante Julie, ma cousine Dani ainsi que moi-même. Un projet d'album de Noël nous a été proposé. C'est pour bientôt et cela promet de lancer La Famille Daraîche en tant que groupe bien défini. Tout est prometteur et je suis habitée par une euphorie grandissante à mesure que je vois se pointer toutes ces éventualités à l'horizon.
Jeudi, 4 octobre 1990
Après ma journée au Cégep, mon amie Lucie et moi nous sommes donné rendez-vous à la station de métro Berri afin d'aller souper ensemble et effectuer quelques emplettes. Entre autres, j'aurais besoin de quelques partitions musicales. Dans nos spectacles à mon père et moi, je chante régulièrement quelques succès issus de la chanson pop, même si nous chantons du Country. Ainsi donc, je me suis appropriée ce grand succès de Julie Masse «C'est zéro» et cette merveilleuse chanson de Marie-Denise Pelletier «À 17 ans». Les gens apprécient beaucoup, même si nous sortons légèrement du cadre auquel ils sont familiers. C'est une idée de mon père de présenter ce petit segment pop dans notre spectacle et j'avoue que ça me plaît de pouvoir offrir à mon public des chansons bien de mon temps et que j'aime écouter. Cela me permet de partager avec eux mes goûts musicaux autres que Country et de leur faire découvrir une autre facette de ma personnalité. Dans cet ordre d'idées, mon papa m'a proposé d'ajouter deux nouvelles chansons à notre petit répertoire pop: «Au nom de la raison» interprétée par Laurence Jalbert ainsi que «Souvenirs retrouvés» de Francine Raymond. Pour ce faire, il souhaiterait pouvoir étudier les accords de ces chansons à l'aide de partitions musicales, ce que je me propose d'aller chercher moi-même, en m'offrant, par la même occasion, l'album de Laurence Jalbert qui comporte justement «Au nom de la raison».
C'est donc Archambault Musique qui se trouve en tête de mes priorités de magasinage ce soir. Donc, Lucie et moi, après un bon souper entre grandes amies, nous nous dirigeons vers ce merveilleux royaume de la musique où l'on a envie de tout acheter tellement toute la musique tant convoitée s'y trouve!Une fois mes petites trouvailles achetées, je quitte les lieux, Lucie à mon bras (parmi mes amis non-voyants, je suis presque toujours celle qui a le meilleur résidu visuel, alors c'est toujours moi qui fais office de guide, pour mon plus grand plaisir d'ailleurs). Nous empruntons la ligne orange, partant du métro Berri pour nous arrêter à la station la plus près de chez moi: Beaubien.
Nous sortons de la station de métro et je constate avec désolation que l'autobus que nous devons prendre pour aller chez moi (le numéro 18 Beaubien) est déjà là et s'apprête à repartir, tous les gens qui l'attendaient étant montés à bord. Réalisant que nous n'aurons pas le temps de nous dépêcher suffisamment pour pouvoir le prendre, je dis à mon amie: «Je crois que nous ferions mieux d'attendre le prochain».
Mais, coup de théâtre… Après avoir légèrement avancé, comme s'il s'apprêtait à quitter définitivement l'arrêt, le chauffeur immobilise de nouveau son véhicule, question de bien se préparer au prochain virage qu'il devra effectuer. Pour moi, cela me laisse l'impression suivante: il nous a vues, Lucie et moi, et s'est arrêté pour nous permettre de monter à bord. Spontanément, je dis à Lucie: «Oh! Il s'est arrêté! Je crois qu'il nous a vues. Viens! On y va!» C'est ainsi que nous avançons, d'un bon pas, vers le mastodonte qui (l'histoire me l'apprendra dans quelques secondes à peine) repart déjà, puisque le chauffeur ne nous avait pas vues, en fait, mais se préparait seulement à effectuer un virage à droite… Puisque je crois toujours qu'il me voit, je m'avance jusqu'aux portes de l'autobus, étant plus que certaines qu'elles s'ouvriront pour nous permettre d'y monter. Mais l'autobus repart et, en amorçant son virage, me pousse violemment et me propulse par terre, couchée sur le côté droit, les deux jambes dans la rue et le reste du corps sur le trottoir… Je suis couchée par terre, trop abrutie par la douleur de ma chute pour avoir le temps de me relever, et j'aperçois très bien la roue arrière droite de l'autobus qui continue à rouler et qui se dirige, inexorablement, vers ma cuisse gauche… Tout cela se déroule à une vitesse folle, en quelques secondes… La roue approche et je me dis: «Ça y est… C'est terminé… J'ai eu une très belle vie heureuse, des bons parents, des bons amis, des bons professeurs… J'ai été aimée partout où je suis passée… J'ai sûrement fait tout ce que j'avais à faire ici…» J'étais absolument certaine de trouver la mort sous cette roue énorme et si lourde… Elle approche, puis roule sur ma cuisse gauche, mais le corps humain est si extraordinaire qu'il parvient à s'anesthésier de lui-même, afin qu'on ne ressente pas la douleur insupportable qui devrait normalement accompagner un tel traumatisme. Alors, tout ce que je puis dire sur la sensation qui accompagne une roue d'autobus qui vous roule sur le corps, c'est que c'est EXTRÊMEMENT LOURD, mais pas douloureux; du moins, pas sur le coup, mais croyez-moi, ça viendra, la douleur…
L'autobus a roulé sur moi… Mais… je suis toujours là! Bien vivante! Je respire sans peine! Wow! Quel miracle! Comment cela est-il possible? Tout à coup, j'entends une foule s'agglutiner autour de moi… Mon amie Lucie qui est catastrophée et qui panique, demandant qu'on appelle les secours… Puis, très vite, des ambulanciers et des policiers sont dépêchés sur les lieux et me bombardent de questions qui m'apparaissent toutes aussi saugrenues qu'énervantes, car je n'en comprends absolument pas l'utilité à ce moment. «Comment t'appelles-tu?» «Quel jour on est?» «Quelle heure est-il?» «Où es-tu?» Wooooo!!!!! Assez!!! Pourquoi ces foutues questions? C'est ridicule! Pourquoi aurais-je oublié mon propre nom? Franchement! Voici ce que je réponds, du tac au tac: «OK! Écoutez-moi bien: je m'appelle Katia Daraîche. J'ai 16 ans. On est le 4 octobre 1990. Il doit être rendu près de 21h avec tout ce niaisage-là. Je viens de me faire broyer par un maudit autobus et j'ai mal, alors pouvez-vous vous dépêcher à faire quelque chose pour que je cesse de souffrir le martyr ainsi? Merci beaucoup.»
C'est la procédure… Je ne dois pas m'endormir, pas perdre connaissance, alors on me parle… On demande le numéro de téléphone de chez moi, tous les numéros de téléphones utiles, bref. Puis, on procède à un examen des dégâts… Voilà qu'on passe les ciseaux dans mes vêtements: HORREUR!!! Pendant ce temps, j'essaie de voir ce qui bouge encore parfaitement et, oh! Je ne parviens pas à bouger ma jambe gauche… Pire encore, je ne la sens plus du tout… En plus, en tentant de bouger les jambes, j'ai l'impression que mon pubis est détaché du reste de mon corps et j'entends un «crounch» à vous donner des frissons de désagrément… Que se passe-t-il avec mes os? Suis-je en tout petits morceaux, coudonc?? On m'installe sur une civière afin de me hisser dans l'ambulance… Oh! Qu'elle est dure, cette civière! Comme si j'étais encore sur l'asphalte! Mais je ne dis plus rien; j'attends avec impatience d'être à l'hôpital et qu'on soulage mon mal qui est atroce maintenant… Vite!
Une fois arrivés à l'hôpital Sainte-Justine, on procède à tous les tests nécessaires: radiographies, échographies et autres. Constat: j'ai 5 fractures de bassin (dont 2 à l'avant, de chaque côté du pubis, d'où l'impression affreuse de le sentir détaché du reste de mon corps) et 3 à l'arrière… Puis, plus aucune circulation sanguine dans ma jambe gauche. Les médecins sont formels: lorsqu'ils ouvriront ma jambe afin de constater les dégâts, il y aura hémorragie, c'est clair. Ils ne savent pas s'ils parviendront à la sauver, cette jambe… Il se pourrait qu'ils soient dans l'obligation de procéder à une amputation… Mes parents, arrivés sur les lieux en toute hâte, protestent vigoureusement: «Faites tout ce que vous pouvez pour la sauver… S'il vous plaît….»
De mon côté, pendant que je passe tous ces tests, on se dépêche de soulager mes souffrances et, très vite, je perds toute notion du temps… pour plusieurs jours… Le dernier souvenir, mais certainement le plus émouvant pour moi, que je conserve du moment qui a précédé mon entrée en salle d'opération, est une toute petite conversation entre mon père et moi qui s'est déroulée à peu près comme suit:
Papa: «Mon amour, si tu te sors de cette épreuve-là, je lâche toute la cochonnerie que je consomme».
Moi: «Alors, mon amour, si j'ai pu t'offrir ce cadeau par mon épreuve, eh bien, ça aura donné quelque chose de formidable. Je m'en sortirai, je te le promets…»
Tout ce que j'ai pu savoir, par la suite, c'est que j'ai passé 12 heures sur la table d'opération, question d'effectuer des miracles pour tenter de rétablir une certaine circulation sanguine dans ma jambe gauche, le tout en transférant une veine très importante de ma jambe droite à la gauche, question de lui redonner une certaine circulation. On effectue aussi des pontages, bref, je suis bien loin d'être médecin, mais on procède, à l'aide de plusieurs interventions extrêmement délicates, à la reconstruction du système circulatoire de ma jambe gauche. On n'est pas encore sûr que ça tiendra le coup. C'est très risqué et il n'y a que de très faibles chances que ça fonctionne, mais on joue le tout pour le tout. On espère un miracle, un vrai. Aussi, il a fallu procéder à l'installation d'un fixateur externe dont le rôle est de maintenir les os de mon bassin dans leur position normale et de s'assurer qu'ils garderont la position jusqu'à ce qu'ils aient totalement repris ensemble… En clair, cela signifie que lorsque je me réveille de ce périple de quelques jours dans la brume du sommeil, je constate que j'ai des broches qui me sortent du ventre et qui me donnent l'impression que j'ai un truc très très lourd sur moi, dont je n'arrive pas à me débarrasser et je ne comprends pas trop ce qui m'arrive…
De plus, comme l'opération a été très longue et que ma respiration a probablement fonctionné au ralenti très longtemps, je suis branchée à un respirateur et, donc, je suis intubée. J'ai un tube dans le nez, puis un autre, ô malheur! dans la bouche! Je ne peux donc absolument pas émettre un son. Moi, ne pas parler? Catastrophe! Surtout que j'ai un milliard de questions à poser. Je veux savoir ce que j'ai, l'état dans lequel j'étais en arrivant à l'hôpital et comment je suis, maintenant. Et mes chances de m'en tirer indemne, quelles sont-elles? Quand vais-je pouvoir ressortir d'ici et retrouver ma vie d'avant l'accident? J'apprends les réponses à toutes ces questions, une bribe à la fois, au fil des conversations que j'entends entre les infirmières ou médecins et mes parents, qui sont les seules personnes autorisées à venir me voir, puisque je suis aux soins intensifs et que le nombre de visiteurs y est très restreint.
Heureusement, j'ai une famille exceptionnelle. Mes parents sont toujours là, au moins un des deux, auprès de moi… On me câline, on me cajole, on me parle afin de me rassurer, de me réconforter… Je reçois des doses massives de morphine, il va sans dire, pour apaiser autant que possible la douleur qui est reine maîtresse dans mon corps tout entier. Alors, lorsque je suis relativement bien soulagée, avec mes parents à mes côtés, qui me réconfortent et me sécurisent, je parviens à avoir l'impression de me sentir bien, enveloppée par leur amour.
C'est dans ce climat de solidarité extrême et d'indéfectible amour que je remonterai la pente, tout doucement, mais officiellement, trouvant mille et une façons d'agrémenter cette terrible épreuve, parvenant même à remonter le moral de mes visiteurs! Mais tout ce beau cheminement, laborieux mais si extraordinaire, je vous le réserve pour un prochain «petit bout de moi». Je vous donne donc rendez-vous, encore à l'hôpital Sainte-Justine, lors de mon prochain article, mais cette fois, pour vous faire vivre ma fulgurante remontée vers la santé!
Nous sommes à l'automne 1990. J'ai eu 16 ans le 6 septembre de cette même année. Je me sens à un carrefour important dans ma vie. Un courant m'emporte, je le sens bien. Ma passion pour la musique étant bien définie depuis toujours, j'aurai enfin la chance de l'étudier dans toute sa splendeur, sous toutes ses notes quoi! Mais tout cela est nouveau pour moi. Découvrir le style classique, en étudier ses origines, la comprendre dans toutes ses possibilités de structure, la chanter aussi. Ouf! On est bien loin du Country! Je me sens comme en pays étranger, mais j'adore ce dépaysement et je n'ai pas assez de tous mes sens pour m'émerveiller de tout ce que je reçois durant ce début de mes études collégiales.
Lorsque j'ai rempli les formulaires de demande d'admission au Cégep, j'ai dû choisir deux instruments de musique que je souhaitais étudier: mon choix s'est arrêté sur le chant et le piano. En choisissant le chant, je me retrouve avec de multiples occasions de chanter cette musique classique que j'apprends à connaître. Outre les cours de chant comme tels, j'ai également des ateliers appelés «petit ensemble vocal», où l'on apprend une pièce de Bach chantée en allemand s'il vous plaît! Ouf! De plus, ma familiarisation avec l'allemand ne s'arrête pas là, puisque j'ai aussi un cours de chorale à suivre, avec tous les étudiants du département de musique, sauf ceux qui ont choisi un instrument à vent comme instrument principal. Nous sommes donc 85 élèves dans cette magnifique chorale où on étudie plusieurs pièces à la fois, qui me font apprivoiser l'allemand, là aussi. Puis, mon contact avec les langues étrangères se poursuit, puisque je dois apprendre deux pièces en italien dans le cadre de mon cours de chant. Ouf! Que de nouveauté! Seuls les cours de théorie musicale, solfège et piano me permettent d'évoluer dans une certaine zone de confort.
Pendant ce temps, ma carrière Country démarre véritablement. Depuis 1989, je chante officiellement de façon professionnelle, me produisant en spectacle tantôt avec mon père, tantôt seule. Et puis, depuis cet été 1990, nous avons commencé à recevoir des invitations à nous produire en famille, alors nous donnons maintenant certains spectacles à quatre: mon père Paul, ma tante Julie, ma cousine Dani ainsi que moi-même. Un projet d'album de Noël nous a été proposé. C'est pour bientôt et cela promet de lancer La Famille Daraîche en tant que groupe bien défini. Tout est prometteur et je suis habitée par une euphorie grandissante à mesure que je vois se pointer toutes ces éventualités à l'horizon.
Jeudi, 4 octobre 1990
Après ma journée au Cégep, mon amie Lucie et moi nous sommes donné rendez-vous à la station de métro Berri afin d'aller souper ensemble et effectuer quelques emplettes. Entre autres, j'aurais besoin de quelques partitions musicales. Dans nos spectacles à mon père et moi, je chante régulièrement quelques succès issus de la chanson pop, même si nous chantons du Country. Ainsi donc, je me suis appropriée ce grand succès de Julie Masse «C'est zéro» et cette merveilleuse chanson de Marie-Denise Pelletier «À 17 ans». Les gens apprécient beaucoup, même si nous sortons légèrement du cadre auquel ils sont familiers. C'est une idée de mon père de présenter ce petit segment pop dans notre spectacle et j'avoue que ça me plaît de pouvoir offrir à mon public des chansons bien de mon temps et que j'aime écouter. Cela me permet de partager avec eux mes goûts musicaux autres que Country et de leur faire découvrir une autre facette de ma personnalité. Dans cet ordre d'idées, mon papa m'a proposé d'ajouter deux nouvelles chansons à notre petit répertoire pop: «Au nom de la raison» interprétée par Laurence Jalbert ainsi que «Souvenirs retrouvés» de Francine Raymond. Pour ce faire, il souhaiterait pouvoir étudier les accords de ces chansons à l'aide de partitions musicales, ce que je me propose d'aller chercher moi-même, en m'offrant, par la même occasion, l'album de Laurence Jalbert qui comporte justement «Au nom de la raison».
C'est donc Archambault Musique qui se trouve en tête de mes priorités de magasinage ce soir. Donc, Lucie et moi, après un bon souper entre grandes amies, nous nous dirigeons vers ce merveilleux royaume de la musique où l'on a envie de tout acheter tellement toute la musique tant convoitée s'y trouve!Une fois mes petites trouvailles achetées, je quitte les lieux, Lucie à mon bras (parmi mes amis non-voyants, je suis presque toujours celle qui a le meilleur résidu visuel, alors c'est toujours moi qui fais office de guide, pour mon plus grand plaisir d'ailleurs). Nous empruntons la ligne orange, partant du métro Berri pour nous arrêter à la station la plus près de chez moi: Beaubien.
Nous sortons de la station de métro et je constate avec désolation que l'autobus que nous devons prendre pour aller chez moi (le numéro 18 Beaubien) est déjà là et s'apprête à repartir, tous les gens qui l'attendaient étant montés à bord. Réalisant que nous n'aurons pas le temps de nous dépêcher suffisamment pour pouvoir le prendre, je dis à mon amie: «Je crois que nous ferions mieux d'attendre le prochain».
Mais, coup de théâtre… Après avoir légèrement avancé, comme s'il s'apprêtait à quitter définitivement l'arrêt, le chauffeur immobilise de nouveau son véhicule, question de bien se préparer au prochain virage qu'il devra effectuer. Pour moi, cela me laisse l'impression suivante: il nous a vues, Lucie et moi, et s'est arrêté pour nous permettre de monter à bord. Spontanément, je dis à Lucie: «Oh! Il s'est arrêté! Je crois qu'il nous a vues. Viens! On y va!» C'est ainsi que nous avançons, d'un bon pas, vers le mastodonte qui (l'histoire me l'apprendra dans quelques secondes à peine) repart déjà, puisque le chauffeur ne nous avait pas vues, en fait, mais se préparait seulement à effectuer un virage à droite… Puisque je crois toujours qu'il me voit, je m'avance jusqu'aux portes de l'autobus, étant plus que certaines qu'elles s'ouvriront pour nous permettre d'y monter. Mais l'autobus repart et, en amorçant son virage, me pousse violemment et me propulse par terre, couchée sur le côté droit, les deux jambes dans la rue et le reste du corps sur le trottoir… Je suis couchée par terre, trop abrutie par la douleur de ma chute pour avoir le temps de me relever, et j'aperçois très bien la roue arrière droite de l'autobus qui continue à rouler et qui se dirige, inexorablement, vers ma cuisse gauche… Tout cela se déroule à une vitesse folle, en quelques secondes… La roue approche et je me dis: «Ça y est… C'est terminé… J'ai eu une très belle vie heureuse, des bons parents, des bons amis, des bons professeurs… J'ai été aimée partout où je suis passée… J'ai sûrement fait tout ce que j'avais à faire ici…» J'étais absolument certaine de trouver la mort sous cette roue énorme et si lourde… Elle approche, puis roule sur ma cuisse gauche, mais le corps humain est si extraordinaire qu'il parvient à s'anesthésier de lui-même, afin qu'on ne ressente pas la douleur insupportable qui devrait normalement accompagner un tel traumatisme. Alors, tout ce que je puis dire sur la sensation qui accompagne une roue d'autobus qui vous roule sur le corps, c'est que c'est EXTRÊMEMENT LOURD, mais pas douloureux; du moins, pas sur le coup, mais croyez-moi, ça viendra, la douleur…
L'autobus a roulé sur moi… Mais… je suis toujours là! Bien vivante! Je respire sans peine! Wow! Quel miracle! Comment cela est-il possible? Tout à coup, j'entends une foule s'agglutiner autour de moi… Mon amie Lucie qui est catastrophée et qui panique, demandant qu'on appelle les secours… Puis, très vite, des ambulanciers et des policiers sont dépêchés sur les lieux et me bombardent de questions qui m'apparaissent toutes aussi saugrenues qu'énervantes, car je n'en comprends absolument pas l'utilité à ce moment. «Comment t'appelles-tu?» «Quel jour on est?» «Quelle heure est-il?» «Où es-tu?» Wooooo!!!!! Assez!!! Pourquoi ces foutues questions? C'est ridicule! Pourquoi aurais-je oublié mon propre nom? Franchement! Voici ce que je réponds, du tac au tac: «OK! Écoutez-moi bien: je m'appelle Katia Daraîche. J'ai 16 ans. On est le 4 octobre 1990. Il doit être rendu près de 21h avec tout ce niaisage-là. Je viens de me faire broyer par un maudit autobus et j'ai mal, alors pouvez-vous vous dépêcher à faire quelque chose pour que je cesse de souffrir le martyr ainsi? Merci beaucoup.»
C'est la procédure… Je ne dois pas m'endormir, pas perdre connaissance, alors on me parle… On demande le numéro de téléphone de chez moi, tous les numéros de téléphones utiles, bref. Puis, on procède à un examen des dégâts… Voilà qu'on passe les ciseaux dans mes vêtements: HORREUR!!! Pendant ce temps, j'essaie de voir ce qui bouge encore parfaitement et, oh! Je ne parviens pas à bouger ma jambe gauche… Pire encore, je ne la sens plus du tout… En plus, en tentant de bouger les jambes, j'ai l'impression que mon pubis est détaché du reste de mon corps et j'entends un «crounch» à vous donner des frissons de désagrément… Que se passe-t-il avec mes os? Suis-je en tout petits morceaux, coudonc?? On m'installe sur une civière afin de me hisser dans l'ambulance… Oh! Qu'elle est dure, cette civière! Comme si j'étais encore sur l'asphalte! Mais je ne dis plus rien; j'attends avec impatience d'être à l'hôpital et qu'on soulage mon mal qui est atroce maintenant… Vite!
Une fois arrivés à l'hôpital Sainte-Justine, on procède à tous les tests nécessaires: radiographies, échographies et autres. Constat: j'ai 5 fractures de bassin (dont 2 à l'avant, de chaque côté du pubis, d'où l'impression affreuse de le sentir détaché du reste de mon corps) et 3 à l'arrière… Puis, plus aucune circulation sanguine dans ma jambe gauche. Les médecins sont formels: lorsqu'ils ouvriront ma jambe afin de constater les dégâts, il y aura hémorragie, c'est clair. Ils ne savent pas s'ils parviendront à la sauver, cette jambe… Il se pourrait qu'ils soient dans l'obligation de procéder à une amputation… Mes parents, arrivés sur les lieux en toute hâte, protestent vigoureusement: «Faites tout ce que vous pouvez pour la sauver… S'il vous plaît….»
De mon côté, pendant que je passe tous ces tests, on se dépêche de soulager mes souffrances et, très vite, je perds toute notion du temps… pour plusieurs jours… Le dernier souvenir, mais certainement le plus émouvant pour moi, que je conserve du moment qui a précédé mon entrée en salle d'opération, est une toute petite conversation entre mon père et moi qui s'est déroulée à peu près comme suit:
Papa: «Mon amour, si tu te sors de cette épreuve-là, je lâche toute la cochonnerie que je consomme».
Moi: «Alors, mon amour, si j'ai pu t'offrir ce cadeau par mon épreuve, eh bien, ça aura donné quelque chose de formidable. Je m'en sortirai, je te le promets…»
Tout ce que j'ai pu savoir, par la suite, c'est que j'ai passé 12 heures sur la table d'opération, question d'effectuer des miracles pour tenter de rétablir une certaine circulation sanguine dans ma jambe gauche, le tout en transférant une veine très importante de ma jambe droite à la gauche, question de lui redonner une certaine circulation. On effectue aussi des pontages, bref, je suis bien loin d'être médecin, mais on procède, à l'aide de plusieurs interventions extrêmement délicates, à la reconstruction du système circulatoire de ma jambe gauche. On n'est pas encore sûr que ça tiendra le coup. C'est très risqué et il n'y a que de très faibles chances que ça fonctionne, mais on joue le tout pour le tout. On espère un miracle, un vrai. Aussi, il a fallu procéder à l'installation d'un fixateur externe dont le rôle est de maintenir les os de mon bassin dans leur position normale et de s'assurer qu'ils garderont la position jusqu'à ce qu'ils aient totalement repris ensemble… En clair, cela signifie que lorsque je me réveille de ce périple de quelques jours dans la brume du sommeil, je constate que j'ai des broches qui me sortent du ventre et qui me donnent l'impression que j'ai un truc très très lourd sur moi, dont je n'arrive pas à me débarrasser et je ne comprends pas trop ce qui m'arrive…
De plus, comme l'opération a été très longue et que ma respiration a probablement fonctionné au ralenti très longtemps, je suis branchée à un respirateur et, donc, je suis intubée. J'ai un tube dans le nez, puis un autre, ô malheur! dans la bouche! Je ne peux donc absolument pas émettre un son. Moi, ne pas parler? Catastrophe! Surtout que j'ai un milliard de questions à poser. Je veux savoir ce que j'ai, l'état dans lequel j'étais en arrivant à l'hôpital et comment je suis, maintenant. Et mes chances de m'en tirer indemne, quelles sont-elles? Quand vais-je pouvoir ressortir d'ici et retrouver ma vie d'avant l'accident? J'apprends les réponses à toutes ces questions, une bribe à la fois, au fil des conversations que j'entends entre les infirmières ou médecins et mes parents, qui sont les seules personnes autorisées à venir me voir, puisque je suis aux soins intensifs et que le nombre de visiteurs y est très restreint.
Heureusement, j'ai une famille exceptionnelle. Mes parents sont toujours là, au moins un des deux, auprès de moi… On me câline, on me cajole, on me parle afin de me rassurer, de me réconforter… Je reçois des doses massives de morphine, il va sans dire, pour apaiser autant que possible la douleur qui est reine maîtresse dans mon corps tout entier. Alors, lorsque je suis relativement bien soulagée, avec mes parents à mes côtés, qui me réconfortent et me sécurisent, je parviens à avoir l'impression de me sentir bien, enveloppée par leur amour.
C'est dans ce climat de solidarité extrême et d'indéfectible amour que je remonterai la pente, tout doucement, mais officiellement, trouvant mille et une façons d'agrémenter cette terrible épreuve, parvenant même à remonter le moral de mes visiteurs! Mais tout ce beau cheminement, laborieux mais si extraordinaire, je vous le réserve pour un prochain «petit bout de moi». Je vous donne donc rendez-vous, encore à l'hôpital Sainte-Justine, lors de mon prochain article, mais cette fois, pour vous faire vivre ma fulgurante remontée vers la santé!
dimanche 28 octobre 2012
La Famille Daraîche: Une page du Country au Québec


À travers ces pages, vous découvrirez aussi plusieurs grands moments de l'histoire de la musique Country québécoise, la famille Daraîche ayant été de tous les grands événements en lien avec cette belle musique du coeur.
Ci-joint à cet article, on peut voir la merveilleuse couverture du livre ainsi que l'une des belles photos que l'on retrouve à l'intérieur. Un grand merci aux Éditions Pratiko de m'avoir offert ces deux bijoux de photos pour pouvoir mieux vous les présenter.
«La Famille Daraîche: une page du Country au Québec» est disponible partout.
Bonne lecture et au plaisir d'avoir vos impressions par la suite!
samedi 27 octobre 2012
Des petits bouts de moi #14: Premiers repères de femme
Pour cet article, je vous ramène jusqu'en 1986 environ, alors que j'avais 12 ans. En plus d'étudier avec acharnement (c'est le domaine où j'avais le plus haut degré de confiance en moi, car je me savais dotée d'une mémoire phénoménale et, donc, d'une extraordinaire capacité d'apprentissage ultra-rapide), une multitude de choses se passaient dans mon univers, de façon à mettre en place ce qui allait constituer les premiers repères de la femme qui fleurissait en moi.
Mes parents s'étant séparés en 1984, alors que j'avais 10 ans, je vivais auprès de ma mère et mon frère, puis par la suite s'étaient ajoutées ma grand-mère maternelle et ma tante Marjolaine, la soeur de ma mère. Nous avions donc une vie familiale bien en place à la maison, mais mon père me manquait énormément, même si nous gardions un contact très serré ensemble. Ma maman, de son côté, vivait une série d'épreuves personnelles dans sa propre vie, après sa séparation d'avec mon père, tout en essayant de ne pas nous en faire subir de conséquences à mon frère et moi. En même temps qu'elle soignait la peine qui accompagne une séparation, elle avait décidé de mener toutes les batailles de front en même temps, cessant d'un seul coup toute consommation d'alcool et de drogue. Quel courage et quelle volonté! Elle récolte encore le fruits de ses efforts aujourd'hui, car elle n'a plus rien consommé d'illicite depuis cette lointaine époque. Je suis extrêmement fière d'elle aujourd'hui et je l'étais également en 1986, même si je n'étais qu'à l'aube de ma vie de femme. Je comprenais déjà les enjeux de tout ce que lui demandaient ces efforts qu'elle devait faire quotidiennement afin de reprendre le contrôle sur sa vie pour obtenir les résultats qu'elle souhaitait.
C'est ainsi que j'appris à côtoyer la souffrance d'autrui, en écoutant les partages des différents conférenciers lorsque j'accompagnais ma mère à des réunions des Alcooliques Anonymes. Contrairement à bien des jeunes de mon âge, je ne trouvais pas du tout ces réunions ennuyantes, cherchant plutôt à comprendre comment ces gens qui racontaient leur histoire de vie en étaient venus à trouver du réconfort dans l'ivresse et qu'est-ce qui, un jour, les amenait à décider enfin de changer le cours de leur vie. Bien entendu, l'intérêt que je portais à ces émouvantes tranches de vie m'amenaient à tenter de faire des liens, des comparaisons, des rapprochements entre leurs histoires et celle de ma mère, tout cela afin de tenter de mieux la comprendre. Cherchait-elle aussi un refuge, du réconfort même, dans ces états altérés dans lesquels elle se retrouvait si souvent? Que cherchait-elle à fuir? Pouvais-je l'aider? L'encourager? La réconforter? Je ne savais pas trop, mais je voulais de tout mon coeur comprendre la situation et agir au mieux pour voir ma maman heureuse.
C'est donc ainsi que j'ai vite appris non seulement à ouvrir toutes grandes mes oreilles, mais aussi mon coeur à ce que pouvaient éprouver les gens dans toutes sortes de situations et à percevoir ce qu'ils dégagent et à bien analyser ces perceptions. Toutefois, ma maman étant très éprouvée à travers ces moments difficiles qu'elle traversait, n'était pas toujours un modèle de patience… J'ai donc souvent dû essuyer les contrecoups de ses accès d'impatience et même de colère parfois, ce qui faisait que je préférais taire mes propres sentiments, afin d'être certaine de ne pas être rabrouée ou rejetée. Je gardais donc tout pour moi, autant que possible, tout en faisant mer et monde pour donner à tous ce qu'ils attendaient de moi. J'étais donc le petit ange que tout parent aurait rêvé d'avoir: la petite fille studieuse, courageuse, qui travaille sans relâche et affronte tous les obstacles que la vie met sur sa route avec le sourire aux lèvres, la joie au coeur et la tête haute.
Il est inutile de dire que ce rôle de Mademoiselle Parfaite était devenu pour moi un jeu d'enfant et, tout doucement, devenait pour moi une seconde peau. Je dirais même que cet habit a fini par se transformer en une bulle enveloppante, devenant de plus en plus imperméable, de manière à constituer une merveilleuse carapace pour me protéger. Mais, me protéger de quoi, me direz-vous? Eh bien… de mes propres émotions et sentiments, de tout ce que je taisais aux autres pour être certaine de ne jamais déplaire à quiconque; de ma propre estime de moi-même qui n'était bonne que lorsque je faisais la fierté de mon entourage. En étant parfaite, on m'aimait et, inévitablement, si on m'aimait, je m'aimais aussi. Mais ce qu'on n'aimait pas sur moi, je le détestais autant que cela puisse être possible de détester. Par exemple, avec l'arrivée de l'adolescence sont arrivées quelques rondeurs superflues qui se traduisaient par un surplus de poids qui désespérait ma mère. Il est évident que ce qu'elle ressentait face à mon début d'embonpoint était de l'inquiétude d'une maman qui veut le meilleur pour sa fille et qui savait que tous les aliments bons pour la santé figuraient sur la liste de ceux que je détestais au plus haut point. Elle craignait que je manque des vitamines essentielles et que je finisse par en éprouver de graves problèmes de santé au fil des ans. Mais son inquiétude s'extériorisait par de fréquents discours moralisateurs ayant pour but de me sensibiliser à apprendre à aimer manger de bonnes choses afin de vite perdre ce surplus de poids nuisible à ma santé. Le tout bien agrémenté de phrases telles que «Ce n'est pas des farces Katia; tu t'en viens grosse. C'est épouvantable! Tu dois faire quelque chose!» «Tu sais Katia, être gros, ce n'est pas beau du tout. Il faut que tu réagisses et très vite.» J'ai donc fini par me marteler ces phrases dans la tête, me les repassant en boucle, en me répétant que c'était sûrement vrai, que je ne faisais pas bien les choses, peut-être pas assez d'efforts, que je pouvais faire plus et mieux encore.
Ainsi donc, je me mis à détester mon apparence, parvenant même à me convaincre que j'étais suffisamment repoussante pour être totalement inintéressante, en fin de compte. Quelle grossière erreur! Je le sais maintenant, mais à 12 ou 13 ans, on peut croire à ce genre de sottises bien longtemps… suffisamment pour occasionner des plaies qui mettent des années à cicatriser et croyez-moi, je dirais que la guérison est totale à présent, mais fraîchement accomplie. Donc, les plaies étaient vives et profondes durant de très nombreuses années.
Pendant ce temps où j'étudiais, tout en m'ouvrant aux autres et en me refermant sur moi, je continuais à rêver de musique. Je voulais chanter, ça, j'en étais certaine. Mais je ne voulais pas que chanter; je voulais apprendre comment était faite la musique; d'où elle venait, comment on la construisait, comment on l'interprétait. Je voulais l'étudier, comme je savais si bien le faire. C'est alors que je me décidai à m'inscrire au Cégep de Saint-Laurent en vue d'obtenir un diplôme d'études collégiales en musique.
Au moment d'aller passer les auditions, je possédais quelques connaissances de base en théorie musicale, ayant déjà suivi des cours de chant et de piano. Cela dit, j'avais beau connaître la théorie musicale de base, je n'avais absolument aucune connaissance du genre classique. Je me présentai donc au Cégep, avec, dans la tête, les paroles de la chanson que je voulais interpréter pour passer l'audition. Il s'agissait d'un succès de Patrick Norman intitulé «Vivre», que le professeur de chant ne connaissait absolument pas, puisque, de son côté, elle connaissait autant le Country que moi je connaissais le classique: ce qui veut dire PAS DU TOUT (rire). De plus, je n'avais apporté aucune partition musicale de ma chanson, alors j'entrepris de la chanter a capella. Imaginez un peu la scène… Je devais sembler très étrange à cette enseignante de chant classique qui m'a fait auditionner. Aussi insolite que tout cela ait pu lui sembler, un phénomène chez moi a tout de même attiré son attention de manière foudroyante: c'est elle qui m'annonça que j'avais l'oreille absolue, ce dont j'ignorais totalement la signification. C'est alors qu'elle m'expliqua qu'une personne qui possédait l'oreille absolue était capable de reconnaître toutes les notes qu'elle entendait, sans qu'on ait à lui dire. Moi, je croyais que tout le monde était capable de faire ça, puisque je l'avais toujours fait depuis le plus loin que ma mémoire pouvait se rappeler.
Bref, je crois avoir beaucoup épaté cette dame qui a découvert mon oreille absolue, car j'ai été acceptée au Cégep, malgré mes piètres connaissances du genre classique. J'aurai 3 belles années devant moi pour le découvrir, de toute façon.
Parallèlement, l'amour allait aussi faire son apparition dans mon décor, le tout sans prévenir et à travers la dernière personne au monde de qui j'aurais pu imaginer être amoureuse un jour… L'amour s'est donc présenté à moi à travers Miguel, un ami d'enfance avec qui j'étais allée à l'école primaire, à qui je jouais constamment des tours plus ou moins gentils lorsque j'étais petite, parce que je le considérais, pour toutes sortes de raisons, comme étant un petit garçon plutôt simplet, ce qui me permettait donc de le proclamer comme étant ma tête de turc favorite. Je n'aurais donc jamais cru en être un jour amoureuse, mais après plusieurs années sans être en contact, il m'a retrouvée, par l'entremise d'un de nos amis communs et après plusieurs conversations téléphoniques et la première rencontre qui allait marquer nos retrouvailles, j'ai été comme foudroyée. C'était ainsi que je ressentais les choses, éprouvant tout un cocktail d'émotions contradictoires. D'un côté, je ne pouvais y croire, mon estime de moi me faisant cruellement défaut. D'autre part, mon coeur s'emballait à un tel point que je savais que l'amour était bien là et qu'il me fallait donner libre cours à ce sentiment extraordinaire qui prenait toute la place en moi. J'étais bien loin de me douter que ce premier amoureux officiel allait devenir, plusieurs années plus tard, le père de mon enfant.
C'est sur cette terre bouillonnante d'une effervescence incroyable, que j'allais tenter de construire les fondations de ma vie d'adulte en devenir. C'est ici que mes premiers repères s'instauraient: ma détermination à vouloir faire de la musique de mon mieux, à aimer la vie, les autres, à les comprendre, à apprivoiser l'amour, sans en éprouver d'abord pour moi-même. Comment allais-je démêler tout cela au fil du temps? C'est ce que je vous offrirai dans les prochains «Petits bouts de moi».
Au plaisir de vous lire!
Mes parents s'étant séparés en 1984, alors que j'avais 10 ans, je vivais auprès de ma mère et mon frère, puis par la suite s'étaient ajoutées ma grand-mère maternelle et ma tante Marjolaine, la soeur de ma mère. Nous avions donc une vie familiale bien en place à la maison, mais mon père me manquait énormément, même si nous gardions un contact très serré ensemble. Ma maman, de son côté, vivait une série d'épreuves personnelles dans sa propre vie, après sa séparation d'avec mon père, tout en essayant de ne pas nous en faire subir de conséquences à mon frère et moi. En même temps qu'elle soignait la peine qui accompagne une séparation, elle avait décidé de mener toutes les batailles de front en même temps, cessant d'un seul coup toute consommation d'alcool et de drogue. Quel courage et quelle volonté! Elle récolte encore le fruits de ses efforts aujourd'hui, car elle n'a plus rien consommé d'illicite depuis cette lointaine époque. Je suis extrêmement fière d'elle aujourd'hui et je l'étais également en 1986, même si je n'étais qu'à l'aube de ma vie de femme. Je comprenais déjà les enjeux de tout ce que lui demandaient ces efforts qu'elle devait faire quotidiennement afin de reprendre le contrôle sur sa vie pour obtenir les résultats qu'elle souhaitait.
C'est ainsi que j'appris à côtoyer la souffrance d'autrui, en écoutant les partages des différents conférenciers lorsque j'accompagnais ma mère à des réunions des Alcooliques Anonymes. Contrairement à bien des jeunes de mon âge, je ne trouvais pas du tout ces réunions ennuyantes, cherchant plutôt à comprendre comment ces gens qui racontaient leur histoire de vie en étaient venus à trouver du réconfort dans l'ivresse et qu'est-ce qui, un jour, les amenait à décider enfin de changer le cours de leur vie. Bien entendu, l'intérêt que je portais à ces émouvantes tranches de vie m'amenaient à tenter de faire des liens, des comparaisons, des rapprochements entre leurs histoires et celle de ma mère, tout cela afin de tenter de mieux la comprendre. Cherchait-elle aussi un refuge, du réconfort même, dans ces états altérés dans lesquels elle se retrouvait si souvent? Que cherchait-elle à fuir? Pouvais-je l'aider? L'encourager? La réconforter? Je ne savais pas trop, mais je voulais de tout mon coeur comprendre la situation et agir au mieux pour voir ma maman heureuse.
C'est donc ainsi que j'ai vite appris non seulement à ouvrir toutes grandes mes oreilles, mais aussi mon coeur à ce que pouvaient éprouver les gens dans toutes sortes de situations et à percevoir ce qu'ils dégagent et à bien analyser ces perceptions. Toutefois, ma maman étant très éprouvée à travers ces moments difficiles qu'elle traversait, n'était pas toujours un modèle de patience… J'ai donc souvent dû essuyer les contrecoups de ses accès d'impatience et même de colère parfois, ce qui faisait que je préférais taire mes propres sentiments, afin d'être certaine de ne pas être rabrouée ou rejetée. Je gardais donc tout pour moi, autant que possible, tout en faisant mer et monde pour donner à tous ce qu'ils attendaient de moi. J'étais donc le petit ange que tout parent aurait rêvé d'avoir: la petite fille studieuse, courageuse, qui travaille sans relâche et affronte tous les obstacles que la vie met sur sa route avec le sourire aux lèvres, la joie au coeur et la tête haute.
Il est inutile de dire que ce rôle de Mademoiselle Parfaite était devenu pour moi un jeu d'enfant et, tout doucement, devenait pour moi une seconde peau. Je dirais même que cet habit a fini par se transformer en une bulle enveloppante, devenant de plus en plus imperméable, de manière à constituer une merveilleuse carapace pour me protéger. Mais, me protéger de quoi, me direz-vous? Eh bien… de mes propres émotions et sentiments, de tout ce que je taisais aux autres pour être certaine de ne jamais déplaire à quiconque; de ma propre estime de moi-même qui n'était bonne que lorsque je faisais la fierté de mon entourage. En étant parfaite, on m'aimait et, inévitablement, si on m'aimait, je m'aimais aussi. Mais ce qu'on n'aimait pas sur moi, je le détestais autant que cela puisse être possible de détester. Par exemple, avec l'arrivée de l'adolescence sont arrivées quelques rondeurs superflues qui se traduisaient par un surplus de poids qui désespérait ma mère. Il est évident que ce qu'elle ressentait face à mon début d'embonpoint était de l'inquiétude d'une maman qui veut le meilleur pour sa fille et qui savait que tous les aliments bons pour la santé figuraient sur la liste de ceux que je détestais au plus haut point. Elle craignait que je manque des vitamines essentielles et que je finisse par en éprouver de graves problèmes de santé au fil des ans. Mais son inquiétude s'extériorisait par de fréquents discours moralisateurs ayant pour but de me sensibiliser à apprendre à aimer manger de bonnes choses afin de vite perdre ce surplus de poids nuisible à ma santé. Le tout bien agrémenté de phrases telles que «Ce n'est pas des farces Katia; tu t'en viens grosse. C'est épouvantable! Tu dois faire quelque chose!» «Tu sais Katia, être gros, ce n'est pas beau du tout. Il faut que tu réagisses et très vite.» J'ai donc fini par me marteler ces phrases dans la tête, me les repassant en boucle, en me répétant que c'était sûrement vrai, que je ne faisais pas bien les choses, peut-être pas assez d'efforts, que je pouvais faire plus et mieux encore.
Ainsi donc, je me mis à détester mon apparence, parvenant même à me convaincre que j'étais suffisamment repoussante pour être totalement inintéressante, en fin de compte. Quelle grossière erreur! Je le sais maintenant, mais à 12 ou 13 ans, on peut croire à ce genre de sottises bien longtemps… suffisamment pour occasionner des plaies qui mettent des années à cicatriser et croyez-moi, je dirais que la guérison est totale à présent, mais fraîchement accomplie. Donc, les plaies étaient vives et profondes durant de très nombreuses années.
Pendant ce temps où j'étudiais, tout en m'ouvrant aux autres et en me refermant sur moi, je continuais à rêver de musique. Je voulais chanter, ça, j'en étais certaine. Mais je ne voulais pas que chanter; je voulais apprendre comment était faite la musique; d'où elle venait, comment on la construisait, comment on l'interprétait. Je voulais l'étudier, comme je savais si bien le faire. C'est alors que je me décidai à m'inscrire au Cégep de Saint-Laurent en vue d'obtenir un diplôme d'études collégiales en musique.
Au moment d'aller passer les auditions, je possédais quelques connaissances de base en théorie musicale, ayant déjà suivi des cours de chant et de piano. Cela dit, j'avais beau connaître la théorie musicale de base, je n'avais absolument aucune connaissance du genre classique. Je me présentai donc au Cégep, avec, dans la tête, les paroles de la chanson que je voulais interpréter pour passer l'audition. Il s'agissait d'un succès de Patrick Norman intitulé «Vivre», que le professeur de chant ne connaissait absolument pas, puisque, de son côté, elle connaissait autant le Country que moi je connaissais le classique: ce qui veut dire PAS DU TOUT (rire). De plus, je n'avais apporté aucune partition musicale de ma chanson, alors j'entrepris de la chanter a capella. Imaginez un peu la scène… Je devais sembler très étrange à cette enseignante de chant classique qui m'a fait auditionner. Aussi insolite que tout cela ait pu lui sembler, un phénomène chez moi a tout de même attiré son attention de manière foudroyante: c'est elle qui m'annonça que j'avais l'oreille absolue, ce dont j'ignorais totalement la signification. C'est alors qu'elle m'expliqua qu'une personne qui possédait l'oreille absolue était capable de reconnaître toutes les notes qu'elle entendait, sans qu'on ait à lui dire. Moi, je croyais que tout le monde était capable de faire ça, puisque je l'avais toujours fait depuis le plus loin que ma mémoire pouvait se rappeler.
Bref, je crois avoir beaucoup épaté cette dame qui a découvert mon oreille absolue, car j'ai été acceptée au Cégep, malgré mes piètres connaissances du genre classique. J'aurai 3 belles années devant moi pour le découvrir, de toute façon.
Parallèlement, l'amour allait aussi faire son apparition dans mon décor, le tout sans prévenir et à travers la dernière personne au monde de qui j'aurais pu imaginer être amoureuse un jour… L'amour s'est donc présenté à moi à travers Miguel, un ami d'enfance avec qui j'étais allée à l'école primaire, à qui je jouais constamment des tours plus ou moins gentils lorsque j'étais petite, parce que je le considérais, pour toutes sortes de raisons, comme étant un petit garçon plutôt simplet, ce qui me permettait donc de le proclamer comme étant ma tête de turc favorite. Je n'aurais donc jamais cru en être un jour amoureuse, mais après plusieurs années sans être en contact, il m'a retrouvée, par l'entremise d'un de nos amis communs et après plusieurs conversations téléphoniques et la première rencontre qui allait marquer nos retrouvailles, j'ai été comme foudroyée. C'était ainsi que je ressentais les choses, éprouvant tout un cocktail d'émotions contradictoires. D'un côté, je ne pouvais y croire, mon estime de moi me faisant cruellement défaut. D'autre part, mon coeur s'emballait à un tel point que je savais que l'amour était bien là et qu'il me fallait donner libre cours à ce sentiment extraordinaire qui prenait toute la place en moi. J'étais bien loin de me douter que ce premier amoureux officiel allait devenir, plusieurs années plus tard, le père de mon enfant.
C'est sur cette terre bouillonnante d'une effervescence incroyable, que j'allais tenter de construire les fondations de ma vie d'adulte en devenir. C'est ici que mes premiers repères s'instauraient: ma détermination à vouloir faire de la musique de mon mieux, à aimer la vie, les autres, à les comprendre, à apprivoiser l'amour, sans en éprouver d'abord pour moi-même. Comment allais-je démêler tout cela au fil du temps? C'est ce que je vous offrirai dans les prochains «Petits bouts de moi».
Au plaisir de vous lire!
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jeudi 25 octobre 2012
Le lancement de notre biographie familiale: une soirée que je n'oublierai jamais
Tout d'abord, il faut commencer par mentionner que cet événement se présentait en deux parties: le lancement du livre, puis un spectacle que nous donnions pour les besoins de notre documentaire familial intitulé «La Famille Daraîche: du Western au Country».
J'ai commencé par avoir la belle surprise de rencontrer une foule de gens venus célébrer avec nous la parution de ce beau livre: de nombreux membres de notre famille, plusieurs artistes Country également, sans compter de précieux amis. J'avais même le bonheur d'avoir avec moi nulle autre que ma maman qui a, tout comme moi, vécu toute une gamme d'émotions au cours de cette formidable soirée.
À mon arrivée, j'ai eu le bonheur de rencontrer notre éditeur, pour qui j'ai une infinie reconnaissance d'avoir bien voulu nous suivre dans cette belle aventure littéraire. Mais j'y reviendrai un peu plus loin.
Le lancement de notre livre nous a permis de rencontrer tous ceux qui voulaient se le procurer, avoir des dédicaces ou bien prendre des photos avec nous pour divers médias. C'était absolument formidable, car cela nous permettait aussi de remercier tous ceux qui ont contribué à faire de ce livre un projet aussi extraordinaire, notamment l'auteure, Mme Carmel Dumas, ainsi que l'éditeur, M. Jacques Larouche, des Éditions Pratiko.
Une fois le lancement terminé, nous avons fait place au spectacle, qui était monté de toutes pièces pour les besoins du documentaire. Les gens qui étaient présents devenaient des spectateurs de toutes les époques traversées par nos carrières respectives, ce qui fait qu'on est passé des années 70 jusqu'à aujourd'hui, à travers des chansons qui sont devenues des succès au fil des années ainsi que des témoignages des artistes qui les ont interprétées. Je pense ici, entre autres, à M. Aldéi Duguay qui est venu nous offrir sa version de ce grand classique «Un verre sur la table» dont nous apprenons, à la lecture du livre, qu'il fut le premier interprète. Il l'a chantée pour Julie lors de ce spectacle et lui a offert un vibrant témoignage. David Bernatchez nous a également beaucoup touchés avec la belle reconnaissance qu'il a toujours démontré envers notre famille pour l'appui que nous lui avons toujours donné.
Nous avons également pu apprécier l'apport incontournable de deux grands animateurs et organisateurs d'événements Country: messieurs Roger Charlebois et Richard Gauthier ont apporté une émouvante contribution à ce spectacle, l'un nous transportant à l'époque de CKVL 850 en simulant un émouvant reportage invitant les auditeurs à le rejoindre au fameux Casino Gaspésien, et l'autre nous faisant revivre les débuts des galas Country qu'il organisait pour récompenser les artisans de ce merveilleux genre musical.
Finalement, bien sûr, nous avons tous offert une performance musicale, chacun notre tour ou ensemble, pour le bon plaisir de notre public, qui se prêtait admirablement bien au jeu de la figuration pour notre documentaire. De mon côté, pour les besoins de la cause, j'offrais à mon public une prestation de la toute première chanson que j'ai chantée sur une scène au tout début des années 80: nul autre que ce classique de la formation Offenbach: «Ayoye». Imaginez: on me surnomme toujours l'ange de la famille, car j'ai une voix très douce lorsque je chante. C'était donc un réel défi pour moi de sortir de mon côté angélique pour aller toucher à l'émotion qui doit passer dans une chanson comme «Ayoye» (rire). Lors de la répétition qui avait précédé le spectacle, la veille, c'était une découverte pour moi de me rendre compte que j'étais capable de briser les barrières que j'avais moi-même érigées autour de moi: ces limites auxquelles j'ai toujours cru qui disaient que jamais je ne parviendrais à chanter des chansons qui demandent autre chose que de la douceur et/ou de la pureté vocale. Le soir du lancement et du spectacle, je me suis donc démontré que non seulement j'ai été capable de le faire, mais que j'avais réussi à toucher tout plein de gens par mon interprétation de cette chanson qui m'apparaissait comme un gigantesque défi au départ. C'était un grand moment d'émotion pour moi, d'autant plus que je l'interprétais avec l'adorable complicité de mon papa, ce qui rendait l'exercice encore plus fabuleux! Tout ce qui me permet de vivre un moment de complicité père-fille m'émerveille toujours, alors imaginez! Quel bonheur!
Et puis, pour couronner cette soirée des plus mémorables, le moment qui allait raisonner en moi tel un merveilleux écho et qui allait laisser une marque indélébile en moi allait se produire à la toute fin de la soirée, sous la forme d'une conversation avec M. Larouche, notre très sympathique éditeur. Quelle surprise incroyable j'ai eue en apprenant qu'il avait lu mon blogue en entier, rien de moins! J'en ai été chavirée, je vous assure! Ce fut une révélation pour moi, car on ne peut savoir qui nous lit lorsque l'on blogue, cette histoire en est la preuve bien réelle! J'avais l'impression que personne ne me lisait sur mon blogue et que mes articles étaient bien davantage lus sur mon compte Facebook, puisque c'était là que les commentaires m'étaient écrits. Je commençais même à me demander si j'allais continuer à tenir mon blogue, me disant que je devrais peut-être me contenter de Facebook uniquement. Mais quelque chose me disait de continuer à tenir mon blogue également, sans savoir pourquoi. J'avais même commencé à écrire certains articles que je publiais uniquement sur mon blogue et pas sur Facebook, de manière à établir une différence entre les deux, autant pour moi que pour mes lecteurs, créant ainsi une ambiance légèrement plus personnelle sur mon blogue. Alors imaginez ma surprise en apprenant que non seulement j'avais bien fait de ne pas fermer mon blogue, mais qu'en plus, j'étais lue et pas par n'importe qui! Oh!!! Mais j'allais avoir encore de plus grandes raisons d'avoir envie de sauter de joie: non seulement mes textes étaient lus, mais en plus, ils étaient appréciés. À la fin d'une lecture, on avait hâte de lire la suite!
Pour moi, ça valait plus que des millions, je vous l'assure! Je suis partie de cette soirée avec la tête dans les nuages, le coeur débordant d'une joie sans fin. J'étais transportée, c'est le moins que je puisse dire; tellement que je ne suis parvenue à m'endormir qu'aux petites heures du matin. Mais quel bonheur de passer une nuit blanche à se remémorer une bienheureuse suite d'événements qui forment une soirée qui se grave toujours plus, chaque fois qu'on se la repasse!
Voilà, c'était un plaisir pour moi de vous faire part de mes joyeux états d'âme, tout en vous invitant à lire le principal sujet de cet article: notre livre «La famille Daraîche: une page du country au Québec», écrit par Carmel Dumas, aux Éditions Pratiko. Si vous êtes curieux de connaître tout ce qui a constitué notre carrière et notre vie de famille, vous saurez tout à la lecture de ce livre, disponible partout.
Bonne lecture et au plaisir de vous lire également!
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