lundi 23 mai 2011

Des petits bouts de moi #8: Matante Gougoune

Enfin! Je suis de retour pour un autre petit bout de moi, après bien des souffrances qui m'ont enlevé l'inspiration. C'est toujours un plaisir renouvelé pour moi, chaque fois que je vous offre ces quelques pages de mon livre de vie. Je vous entraîne avec moi, cette fois-ci, dans l'univers de mon entourage immédiat de petite fille…

 

Même si je vouais une grande importance à ma vie scolaire durant mon enfance, j'avais, il va sans dire, une vie à l'extérieur des murs de ma grande école. La raison pour laquelle on a l'impression que je n'ai fait qu'étudier est simple: je passais le plus clair de mon temps dans l'établissement scolaire. Donc, une grande partie de mes souvenirs de petite fille y est rattachée.

 

Toujours est-il que j'avais, dans mon environnement immédiat, tout à côté de chez moi, tout un tas de gens qui veillaient sur moi ou venaient me retrouver dans ma cour afin de partager mes jeux. Notons cependant que je n'étais pas une petite fille à l'aise dans des groupes. J'étais plutôt du genre à «jouer à deux», comme je prenais plaisir à l'expliquer alors. Je cite mes paroles de petit bout de fille: «Quand on joue à trois, il y a toujours quelqu'un qui est tout seul dans son coin. Alors que quand on joue à deux, personne n'est tout seul.»  Je m'organisais donc toujours pour voir mes amies une par une, afin de les avoir toutes à moi durant notre période de jeu et de m'assurer que personne n'allait s'ennuyer dans son coin (en l'occurrence: moi, car lorsqu'une tierce personne se joignait occasionnellement à nous, je ne savais pas m'intégrer et prendre ma juste place; alors, par réflexe, je m'effaçais tout simplement). 

 

J'avais aussi une caractéristique bien spéciale pour une petite fille de 6 ans et un peu plus: je préférais la compagnie des adultes à celle des enfants de mon âge. Cela surprenait les grands qui m'entouraient, mais il en était bel et bien ainsi. Le fait de me renvoyer jouer avec les autres jeunes du même groupe d'âge que moi produisait sur moi l'effet d'une gifle: le même effet que si on m'avait dit «Va-t-en, tu n'es pas à la hauteur de nos conversations. Tu ne comprendrais pas.»… Zut! J'avais donc autant d'amis adultes qui se faisaient une joie de me compter parmi les leurs que de jeunes amies petites filles.

 

Parmi les «grandes personnes», on retrouvait, entre autres, Matante Gougoune. Qui était donc Matante Gougoune? Une charmante dame, fort généreuse, énergique, avec le coeur aussi grand que tout Mascouche au moins. Tous les enfants du voisinage aimaient Matante Gougoune. Sa famille était amie avec la mienne; elle n'était donc pas ma «tante biologique» mais ma «tante de coeur», c'est sûr. Et la tante de coeur d'une ribambelle d'enfants qui, comme moi, passaient leur temps à courir dans sa maison, à manger ses friandises et à lui dérober tout son précieux temps! (rire) Ah, elle nous le donnait de bon coeur, son temps. Avec elle tout comme avec ses deux grandes filles, j'allais partout. Avec Matante Gougoune, au centre commercial, dans les restaurants, les magasins, chez les uns et les autres… au bowling, aussi! Eh oui! Partout! Elle me prêtait tout ce que je lui demandais de me prêter. Elle me laissait même jouer avec sa petite machine à calculer: je voulais faire comme elle et «calculer mes bills». Combien de rouleaux de papier j'ai gaspillés en faisant semblant de calculer! Mais elle s'en fichait, Matante Gougoune! Je m'amusais et elle était heureuse. C'est avec elle que j'ai ouvert mon premier compte bancaire, acheté mon premier soutien-gorge, le moment venu, bu ma première tasse de café. (rire) On en a fait, des choses! Avec Johanne et Nicole, ses deux filles, j'allais partout aussi. Surtout avec Johanne, un peu plus vieille que sa soeur, qui me faisait même visiter la grande ville de Montréal en m'amenant vraiment, vraiment partout avec elle. Il y avait aussi Daniel, un des fils de Matante Gougoune, qui m'emmenait souvent au St-Hubert avec lui. Il m'a aussi appris à jouer au cribbage. Ah, ce qu'on en a joué des parties de cribbage tous les deux! Cette famille fut très présente dans ma vie de petite fille.

 

Au chapitre des adultes qui veillaient gentiment sur moi, il y avait également tous les amis de mes parents qui jouaient avec moi tout autant que mes parents eux-mêmes. Il faut dire que chez nous, c'était presque toujours la fête. Il y avait toujours des amis à la maison: des amis qui séjournaient longtemps chez nous pour toutes sortes de bonnes raisons, certainement! Mais je me fichais bien de savoir pourquoi il y avait toujours foule à la maison, car tous ces gens, qu'il s'agisse d'artistes, de musiciens, de comédiens ou d'amis de la famille tout simplement, car tous étaient plus formidables les uns que les autres avec mon frère et moi. Alors, on faisait de la place pour tout ce beau monde et on s'amusait follement.

 

Parmi les enfants, ils étaient peu nombreux à fréquenter mon univers, hors de l'école. Surtout durant l'année scolaire, puisque je n'étais présente chez moi que les fins de semaine. Mais, une fois l'été arrivé, je revenais dans le nid familial et je pouvais tisser des liens avec mes pairs. Ils étaient très peu nombreux: tout bien compté, voyons voir… 4 amies, mais 4 bonnes amies.

 

Tout d'abord, il y avait ma voisine immédiate: Véronique. Son frère Didier se tenait davantage avec mon frère, mais parfois avec sa soeur et moi. Véronique passait des grandes journées avec moi à jouer à tout et n'importe quoi, à se balancer et à se baigner.

 

Il y avait aussi les soeurs Huneault: Annie, Chantale et Mélanie. La première d'entre elles que j'ai connue était Annie, qui m'a ensuite présenté ses deux soeurs. Elles étaient toutes adorables avec moi. Dans ce cas précis, nos jeux ne se déroulaient pas vraiment chez moi mais plutôt chez elles. Une anecdote très spéciale: les Huneault habitaient une maison qui faisait le coin de la rue où j'habitais et je la reconnaissais toujours à cause de sa clôture blanche qui faisait tout le coin de la rue. Je me demandais toujours qui pouvait bien habiter cette maison que je reconnaissais sans cesse et qui faisait ma joie chaque fois que je l'entrevoyais, car je savais que j'allais bientôt retrouver mon chez moi. Je n'en revenais pas d'apprendre qu'elles habitaient justement dans «la maison à la belle clôture blanche». C'était surtout avec Annie et Chantale que je jouais, Mélanie étant un peu plus jeune. Et savez-vous quoi? J'ai eu le grand bonheur de retrouver Annie et Chantale ici même sur Facebook! Je suis tellement contente, car je les aimais beaucoup et ce fut un réel plaisir pour moi de les retrouver.

 

Pour le reste, il y avait beaucoup d'autres enfants dans notre voisinage. Les garçons fréquentaient mon grand frère, mais la plupart des autres petites filles… comment dire?… Probablement qu'elles n'avaient pas l'habitude de voir une personne avec un handicap, alors elles ne «m'approchaient même pas avec une perche de 10 pieds», comme le dirait spontanément mon bien-aimé. Imaginez un peu: je suis avec une de mes petites amies. Nous marchons jusqu'au dépanneur tout en bavardant. Une petite fille qui passe en même temps que nous salue mon amie et lance un genre de: «Est tu aveugle?» Mon amie répond, un peu mal à l'aise, que… oui. L'autre petite ingrate éclate de rire et s'enfuit. C'était un peu le portrait type de l'indélicatesse des enfants entre eux, mais surtout, je crois, du manque de sensibilisation ou d'information envers les personnes simplement différentes des autres, peu importe la raison.

 

Il y avait aussi, j'allais oublier, une autre Annie. Elle, de son côté, habitait sur la rue derrière la nôtre, ce qui faisait en sorte que sa cour était collée sur la nôtre. Alors, parfois, même si elle n'avait pas le droit, elle escaladait la clôture grillagée et sautait dans ma cour pour venir jouer avec moi! Ah, qu'on en avait, du plaisir!

 

Sans oublier les cousines, bien entendu, qui nous rendaient souvent visite. Deux cousines, entre autres, prennent une grande place dans mes souvenirs d'enfance: Karine, avec qui j'écoutais des contes de fées à longueur de journée (comme on a usé mon 33 tours de Blanche-Neige et les sept nains!). Et il y avait Natacha, ma chère cousine Natacha, qui me protégeait comme si j'étais sa petite soeur toute fragile, qui faisait attention à moi comme à la prunelle de ses yeux, mais qui ne s'empêchait pas de m'amener partout avec elle. On se racontait tout; à bien y réfléchir, nous étions tout aussi proches que des soeurs.

 

Cela complète le tableau de mon entourage à l'extérieur de ma vie scolaire. Je peux considérer que j'ai toujours été extrêmement bien entourée de gens que j'aimais et qui m'aimaient aussi énormément. Une petite fille heureuse, voilà ce que j'étais et cela m'est resté, je crois, car j'ai définitivement une facilité à être heureuse et à éprouver de la joie pour tout et en tout temps.

 

Le plaisir d'écrire ces tranches de ma vie étant l'interaction qui existe entre vous et moi suite à chaque «petit bout», j'attends impatiemment vos commentaires.

 

Au plaisir de vous lire bientôt!

Des petits bouts de moi #7: Patates pilées et toasts pas de croûte

Vous vous demandez sûrement pourquoi un bout de moi peut porter un titre aussi bizarre que celui-ci. Eh bien, vous comprendrez aisément dans quelques secondes. Suivez-moi...

 

Imaginez un instant la situation suivante: vous avez à peine 6 ans (disons 6 ans et moins). Votre maman vous prépare un petit déjeuner qui, normalement, ferait l'envie de tout autre enfant qui se respecte. Elle vous présente une assiette bien remplie: oeufs, bacon ou autres viandes, petites patates, toasts, fruits, etc. Bref, un déjeuner copieux! Vous accueillez ce festin en ne gardant que les toasts. Ah oui... sans les croûtes, très important. Plus tard, vous demandez à votre mère de vous offrir à dîner, alors elle vous offre mille et une possibilités: soupe? Sandwich? Pâtes? Fruits et légumes divers? Peu importe! Vous finissez par demander: "Puis-je avoir des patates pilées s'il te plaît?" Au souper, le scénario se répète. On vous offre des repas tous plus appétissants les uns que les autres et vous revenez à votre demande du midi: "Pourrais-je avoir des patates pilées s'il te plaît?"

 

Aberrant, impossible, incroyable, pensez-vous? Eh bien non, cela est tirée d'une histoire vécue et par nul autre que moi. Je ne saurais vous dire pourquoi mon rapport avec la nourriture fut et est encore si compliqué, mais il n'en demeure pas moins que j'ai passé au moins les 6 premières années de ma vie à ne manger que des pommes de terre en purée et des rôties sans les croûtes et tartinées seulement avec du beurre, rien de plus. Si on me demandait ce que j'aimais manger, il m'arrivait souvent de répondrre catégoriquement: "Rien". C'était ainsi et pour moi, c'était normal.

 

Le problème, avec ce genre d'alimentation, vous vous en doutez bien, c'est que ma santé finissait par en être affectée, bien entendu. C'est ainsi que, très régulièrement, je finissais par tomber malade. Cela se présentait invariablement sous forme de gastro. Les symptômes que je ressentais étaient identiques: maux de coeur, vomissements, etc. La différence entre ces épisodes que j'avais et une véritable gastro, c'est que pour me remettre sur pied, mes parents devaient m'emmener à l'hôpital où on me branchait à un soluté pour rééquilibrer tout mon système en vitamines et autres trucs importants pour être en bonne santé. Quelques minutes plus tard, mon système ayant absorbé ce cocktail de bonnes choses, les vomissements cessaient, les nausées prenaient la poudre d'escampette et je me sentais comme une neuve! Bien sûr, on me gardait en observation pendant quelque temps, on me faisait toutes les prises de sang et autres tests importants puis, une fois que j'avais bien fait le plein de tout ce qu'on trouve normalement en mangeant un peu de tout, je pouvais repartir, aussi pimpante que s'il ne s'était rien produit!

 

On dira un jour que ces épisodes de pseudo-gastro représentaient en fait des espèces de crises d'hypoglycémie, étant donné que je ne mangeais presque rien. Ma maman, qui était fort découragée de me voir refuser toutes les bonnes choses qu'elle m'offrait à manger, eut beaucoup de difficulté à accepter cet immense problème alimentaire que j'avais. Lorsque les médecins ont parlé d'épisodes hypoglycémiques, ils ont recommandé de me laisser me trouver une façon bien propre à moi de consommer une petite part de sucre. C'est ainsi que je trouvai une façon très exaspérante de prendre le sucre dont j'avais besoin, au grand désespoir de ma mère: j'aimais (et, je m'en confesse, j'aime encore) ouvrir le pot préparation pour lait au chocolat Quik en poudre et y plonger ma cuillère et le prendre directement comme ça, en poudre! Mais puisque c'était le seul sucre que je prenais, j'y avais droit (rire). Mon papa, qui était un illustre buveur de Quik, m'offrait une petite cuillère de poudre chaque fois qu'il se préparait un verre de cette succulente boisson.

 

Est-ce que cette situation a duré longtemps ou même, pire, dure-t-elle encore aujourd'hui? Rassurez-vous, non, cela ne dure plus depuis belle lurette! Je ne mange plus seulement des patates pilées et des toasts pas d'croûte (rire). Le tout se sera estompé progressivement avec le début de ma vie de pensionnaire. Les éducatrices ont eu la pénible tâche de tenter de me faire apprivoiser, peu à peu, de nouveaux mets. Mais imaginez le traumatisme que je vivais à chaque repas, puisque j'étais, disons, obligée de goûter à tout pour enfin espérer aimer de nouvelles choses et que, depuis que j'étais toute petite, on essayait déjà de me faire manger plein de choses sans pour autant réussir à me les faire aimer.

 

Au fil des découvertes culinaires que l'on me forçait à faire à l'école, je finis, heureusement, par admettre dans ma bouche et donc dans ma vie quelques nouveaux venus. Les viandes étaient ainsi acceptées, les pommes de terre sous toutes leurs formes, certaines soupes, les oeufs (brouillés très très bien cuits seulement) et certains desserts.

 

La problématique qui survint par la suite fut peut-être la source de ce qui arriva plus tard. Les éducatrices, à l'école, trouvèrent que, malgré les progrès que j'avais faits, le répertoire des aliments que j'acceptais de manger n'était pas suffisamment étoffé à leur goût. Elles décidèrent donc d'instaurer avec moi de nouvelles règles: je me DEVAIS, OBLIGATOIREMENT, de goûter à TOUT ce qui était au menu et ce, à chaque repas. Que cela me roule dans la bouche ou pas, je devais "faire des efforts". À un tel point que je n'avais pas le droit de me lever de table tant et aussi longtemps que je n'avais pas tout mangé. De cette période qui dura plusieurs années en ont résulté de bien désolantes conséquences...

 

À présent, j'ai conservé, bien malheureusement, plusieurs de ces traumatismes d'enfance qui m'ont fait bannir plein de bons aliments que j'adorerais aimer: je pense entre autres aux merveilleux fruits et légumes. Quel dommage de ne pas les aimer, eux qui me feraient un bien fou! Il y a aussi tous les desserts qui sont complètement bannis de mon existence. Mais pour les desserts, je suis bien contente de ne pas les aimer; ils ne m'apporteraient qu'un surpoids supplémentaire et rien de positif. Il y a aussi tout ce qui a une texture épaisse ou crémeuse qui est catégoriquement refusé dans mon assiette. Tout cela est aussi bizarre qu'invraisemblable, mais bel et bien vrai. C'est une barrière psychologique, je ne sais comment l'expliquer... Une sorte de mauvaise programmation, une barrière catégorique, un traumatisme... Peu importe comment on nomme ce phénomène, il me tient lieu de fidèle compagnon indésirable à tous les repas. Bien sûr, je ne suis plus malade maintenant à cause de ce complice empoisonné, car je mange beaucoup plus de choses qu'au temps des patates pilées et des toasts pas de croûte! Plus d'épisodes de gastro ou d'hypoglycémie. Toutefois, on peut me voir fréquemment trier le contenu de mon assiette ou plutôt demander à mon bien-aimé d'en être le filtre avant que je commence à manger (rire).

 

Voilà, c'était un autre petit bout de moi qui a encore une pointe d'actualité. J'espère vous retrouver au petit bout numéro 8 où j'aurai une autre page de mon livre de vie à vous offrir.

 

Au plaisir de vous lire!

Des petits bouts de moi #6 (suite): Entre les livres et moi, une éternelle complicité

J'ai déjà longuement élaboré sur mes passions enfantines, mais j'ai fait un très gros oubli. C'est à un très jeune âge que j'ai fait la connaissance de complices qui allaient me faire développer une réelle passion.

 

Comme je l'ai déjà mentionné, j'ai toujours adoré apprendre. J'ai donc très vite appris à bien lire et écrire ma langue. J'ai toujours eu une très grande facilité à mémoriser tous les petits caprices de notre merveilleuse langue française et j'ai toujours voulu l'écrire à la perfection, en plus d'adorer la lire. Dès que j'ai connu mon alphabet braille au grand complet ainsi que toutes les ponctuations, mon professeur me référa à la bibliothèque de l'école, que j'allais me mettre à fréquenter de manière assidue. Le premier livre qu'on me confia avait exactement 4 pages braille. Cinq minutes plus tard, il était lu et rapporté à la bibliothèque! La bibliothécaire dicida donc de m'en offrir un qui contenait un peu plus de pages (au moins une vingtaine), que je lui rapportai le lendemain, avec l'envie gourmande d'en dévorer un nouveau.

 

C'est ainsi que, d'un livre à l'autre, toujours de plus en plus gros, je devins une mordue de lecture. J'avais toujours un livre sous le bras, partout où j'allais. J'allais en visite? J'avais au moins deux volumes braille qui me suivaient dans mes bagages. J'allais m'asseoir à l'extérieur? J'avais un livre avec moi pour accompagner ce moment de détente. Bref, les livres me suivaient partout! Dès l'âge de 11 ans, je m'embarquais dans de grandes lectures de romans à plusieurs tomes, m'attachant aux personnages que faisaient vivre les auteurs de tous ces livres magiques.

 

Il faut dire que j'avais été encouragée dès les débuts de mon cheminement scolaire à lire beaucoup. Je pense notamment à Rita, en deuxième année, qui nous lisait des histoires palpitantes en fin de journée, lorsque nous avions bien travaillé. Ou à d'autres moments, elle nous permettait de choisir entre de nombreuses petites histoires que nous pouvions lire lorsque nous avions fini un exercice avant les autres. Inutile de vous dire que j'ai eu très souvent accès à ces «fiches de lecture», qui étaient classées par niveau de difficulté, par des identifications tactiles et colorées. Des fiches avec une étiquette rose et de texture très douce représentaient des lectures faciles, alors que des étiquettes vertes et rugueuses représentaient un niveau plus avancé.

 

Mais au-delà de la lecture s'est installée une autre grande passion qui a débuté par une interrogation: «Comment on FAIT les livres? Comment on les FABRIQUE?» Je me demandais comment on s'y prenait pour les transcrire en braille et en faire de vrais beaux livres. J'imaginais une personne assise devant une machine à écrire braille et transcrivant, une lettre après l'autre, les pages de tous les livres que je lisais. Je me demandais aussi comment on les reliait, on les couvrait, etc. Je m,amusais même, dans mes temps libres, à retranscrire mes livres préférés avec ma propre dactylo braille, en imitant la disposition parfaite que je lisais. Je faisais une copie parfaite des livres que je lisais. Ah! Bien sûr, pas des livres en entier, mais plusieurs pages, de façon à avoir expérimenté toutes sortes de modes de transcription.

 

Ensuite, les années ont passé. Nos appareils informatiques braille se sont sophistiqués et unappareil nommé Versabraille est né. Cela consistait en un clavier de dactylo braille et d'un afficheur braille, le tout pouvant faire penser à un ordinateur portable braille rudimentaire. Eh bien, à l'aide de cet appareil, ma copine Lucie Laurence et moi nous amusions à transcrire des romans que nous lisions. Des livres transcrits en «braille informatique»... Quelle belle vision de ce que j'allais faire plus tard comme carrière!

 

Eh bien oui, c'était là une sacrée belle vision, car aujourd'hui, je transcris des livres en braille... pour la bibliothèque... À l'aide d'un ordinateur et d'un afficheur braille. Le tout sous forme de braille informatique avant d'être imprimé sur papier.

 

Je considère que je fais un métier merveilleux. transcrire des livres, donner accès à une foule de livres et ainsi de faire une différence pour des gens qui, comme moi, ne peuvent lire les documents imprimés avec autant de facilité que cela l'est pour la majorité. Permettre aux gens de prendre plaisir à la lecture grâce à des livres bien faits, quel bonheur!

 

Je vous retrouve très bientôt pour un autre petit bout de moi.

Des petits bouts de moi #6: Passions enfantines

Avant d'aborder la période de l'adolescence et de l'école secondaire, permettez-moi une petite halte dans l'univers ludique de mon enfance. Bien sûr, nous avons abordé mon cheminement scolaire qui affichait un profil exemplaire. On a aussi exposé les aspects un peu moins joyeux entourant ce cheminement. Mais, à travers ces merveilleuses années parsemées d'apprentissages quotidiens, tous plus intéressants les uns que les autres, quelles passions pouvaient bien animer ce petit bout de fille qui bondissait partout, toujours en quête d'une nouveauté à apprendre ou d'une joie à exprimer?

 

Vous constaterez aisément, pour ceux qui me connaissent bien, sinon assez rapidement, pour ceux qui apprennent à me connaître à travers ces petits bouts de moi, que mes passions de petite fille construisaient déjà d'importants repères de ma vie actuelle.

 

D'abord et avant tout, si je voulais résumer tout cela, je pourrais y parvenir à l'aide de trois verbes simples: apprendre, bouger et m'exprimer (exprimer ici dans le sens de tous les moyens d'expression, qu'il s'agisse de chanter, de jouer de la musique ou simplement de communiquer à l'aide de la parole).

 

Le premier contact que j'ai eu avec l'univers des passions survint dès ma toute jeune enfance, alors que j'écoutais mon papa composer des mélodies à l'aide de sa magnifique guitare 12 cordes et ensuite leur donner vie en y ajoutant des mots. Je voyais donc, très régulièrement, naître des chansons. Il me suffisait tout simplement de tendre l'oreille et de cueillir la magie qui accompagnait ces moments de création inspirée de mon père. Je pouvais aussi assister à la naissance de nombreux disques, puisque je découvrais avec émerveillement que mon papa et ma marraine étaient des artistes! Et ma cousine en plus! Wow! Alors, puisque j'étais et suis toujours extrêmement réceptive à tout ce que j'entends, je me laissai vite envelopper par la musique et par les moments magique q'elle engendrait invariablement. Je faisais donc connaissance avec l'une des grandes passions qui allait diriger ma vie tout entière: la musique. J'étais d'ailleurs excellente dans cette matière à l'école et je bénéficiais, sans le savoir, d'un avantage certain: un atout majeur, une caractéristique plutôt rare que l'on appelle l'oreille absolue ou diapason parfait. Mais pour moi, c'était normal. Tout le monde savait chanter n'importe quelle note de la gamme et la reconnaître justte à l'entendre, voyons! C'était ainsi fait! Un Do, c'est un Do, tout le monde sait ça! Eh bien non, mes auditions au Cégep de Saint-Laurent en musique, plusieurs années plus tard, allaient me prouver que ce phénomène ne court pas les rues! Toujours est-il que la petite fille que j'étais jouait de la flûte à bec avec une facilité déconcertante et reproduisait presque instantanément toute mélodie qu'elle jugeait intéressante à interpréter, sans avoir eu besoin de se la faire enseigner au préalable. Petite anecdote savoureuse: nous avions, dans notre cours de musique, appris toutes les notes à la flûte à bec soprano, mais l'une d'entre elles, le Fa, sonnait faux, à mon oreille. Sur toutes les flûtes, pas seulement sur la mienne! Ce Fa détonnait carrément comparativement à ce qu'il aurait dû être. N'en pouvant plus, je me mis à chercher un doigté qui me permettrait d'obtenir un Fa parfait et, oui, je le trouvai! Fière de mon expérience de grande autodidacte, j'allai voir notre professeur de musique et lui fis part, premièrement, du faux Fa et, finalement, de ma grande dévcouverte. Mon prof, après avoir essayé le nouveau Fa tel que je lui proposais de le faire, s'est excalamé: "Mais oui! C'est en plein ça! Je savais qu'il sonnait faux, mais c'est toujours de cette façon qu'il est enseigné, alors je vous l'ai montré comme ça, mais de ta façon, il est parfait!" Et c'est ainsi qu'il enseigna à tous ses élèves, par la suite, à jouer le Fa sur la flûte comme je lui avais moi-même montré, à l'âge de 6 ou 7 ans.

 

La musique m'a donc toujours suivie et me suivra toujours, c'est bien connu. Mais ce qui me fait vibrer par-dessus tout, musicalement, mon paroxysme musical, c'est lorsque mon père prend sa guitare et chante, en s'accompagnant lui-même, tout simplement, en se laissant guider par son inspiration. Pour moi, il n'y a pas de moment plus magique. Lorsque j'étais petite, je n'avais qu'à entendre le cliquetis des fermoirs de son étui de guitare pour me mettre à accourir, abandonnant tout ce que je faisais et tous ceux avec qui je me trouvais!

 

À présent, je suis diplômée en musique du Cégep de Saint-Laurent, j'ai étudié le piano pendant un an, la basse électrique pendant un an, le violon pendant un an et maintenant, je suis des cours de flûte traversière, sans oublier que je joue de la guitare pour le plaisir de m'accompagner. Et ma vie est baignée de musique Country d'ici et d'ailleurs, en autant qu'elle soit bien faite.

 

Toujours dans la veine des moyens d'expression, j'étais une mordue de la radio. Vous me direz sûrement que plus ça change, plus c'est pareil, puisque je suis toujours passionnée pour la radio. Mais tout cela remonte à très très loin...

 

À un très jeune âge, je portais déjà une attention toute particulière à la voix des animateurs radiophoniques, à leur intonnation, aux publicités et la façon dont elles étaient faites, etc. Cela me donnait envie de parler à ces maîtres du micro qui semblaient si dynamiques et sympathiques. Je me mis donc à mémoriser par coeur les numéros de téléphone de toutes les stations radiophoniques que je connaissais. Eh oui! Pourquoi? Pour y faire des demandes spéciales! J'étais emballée par l'interaction qui pouvait exister entre ces animateurs qui ne me connaissaient pas et le fait que je finissais par entendre la chanson que j'avais moi-même demandée. Je me rendis compte que certains animateurs n'avaient pas nécessairement la sympathie naturelle qu'ils reflétaient... (rire) Mais, règle générale, je dirais qu'ils me recevaient tous avec gentillesse, même si j'étais une toute petite fille qui appelait pour demander des chansons. Une autre anecdote: un jour, une amie de ma mère me dit qu'elle était amie avec une animatrice de la station CKOI 96,9 FM, qui se disait à l'époque CKOI 97 FM. Elle disait avoir un numéro de téléphone où ce n'était jamais occupé et où je pourrais rejoindre l'animateur en ondes très rapidement. Je lui demandai ce numéro et m'empressai de le composer, fière d'avoir un raccourci que presque personne ne connaissait. Mais je tiens à mentionner ici que ce n'est pas à essayer, car l'animateur en ondes à ce moment n'a pas trouvé mon appel très rigolo et m'a fermement avertie de ne plus jamais utiliser ce numéro pour faire des demandes spéciales. J'ai donc appris qu'il était parfois préférable de prendre le chemin le plus long, que l'important était d'être à la place qui nous revient, même si cela demandait un peu d'attente... Que l'intimité, les gens connus y tiennent, tout de même...

 

J'étais également très attirée par tout ce qui concernait la téléphonie. Je mémorisais tous les numéros de téléphone de mon entourage, je connaissais même des trucs pour faire sonner le téléphone de l'endroit où je me trouvais à l'aide de certains numéros. Je savais aussi comment obtenir une tonalité en appelant à des numéros se terminant par 1111. Et, d'ailleurs, encore ici, le bon vieux dicton "Plus ça change, plus c'est pareil" s'applique, car j'adore encore la téléphonie sous toutes ses formes. Je connais les petits trucs pour laisser des messages sur des répondeurs sans appeler directement, je connais la téléphonie mobile sur le bout de mes doigts et vive mon iPhone! (rire)

 

Pour conclure avec les communications, j'avais également une passion pour la télé. Imaginez un instant le petit bout de fille, dans sa chambre ou en train de déambuler dans la maison et dans la cour, un miroir à la main, en train de se faire un scénario de téléroman! Eh bien oui, c'était moi! Je me voyais très bien dans le miroir, alors avec mon petit miroir en main, j'imaginais que c'était la caméra et/ou l'écran de télé, puisque je me voyais dedans. Alors, je me faisais des scènes de téléroman où je jouais une foule de personnages en même temps et je me promenais dans les environs, puisque cela me permettait de voir le décor bouger, comme lorsque l'on voit une personne se déplacer à la télé (rire). Ou, à d'autres moments, je m'inventais des émissions de variété, dans lesquelles j'incarnais à la fois l'animatrice et l'artiste interviewé. Pour ce faire, j'avais un vrai micro, mais que je tenais débranché pour pouvoir me promener sans problème dans mon studio imaginaire et, dans l'autre main, mon fameux miroir-télé. Eh bien, là non plus, rien n'a vraiment changé, sauf que les micros dans lesquels je parle aujourd'hui sont branchés et ce n'est pas dans un miroir que j'ai le bonheur de me regarder.

 

Pour arriver au verbe "bouger" énoncé plus haut, mentionnons que j'avais également un très fort attachement envers tout ce qui me permettait d'être en mouvement: chaises berçantes, balançoires, tricycles, bicyclettes, voitures, camions, manèges, peu importe! Lorsque j'étais bébé, ma mère disait que je passais des heures interminables à me balancer à l'aide de ma petite balançoire de bébé, que ma mère devait "crinquer", comme on le disait communément. Je ne voulais plus en descendre! Plus tard, étant petite fille, nous avions, dans notre cour, plein de balnçoires en tous genres et j'y passais toutes mes journées. Il y avait aussi mon super tricycle avec lequel je me promenais, à l'extérieur aussi bien qu'à l'intérieur! Imaginez ça! C'était très drôle! Pour moi, c'était comme si je conduisais ma voiture! Et, parlant de voiture, c'était mon gros amusement de faire semblant de conduire. Mon papa m'asseoyait sur ses genoux et me faisait tourner le volant; ça, c'était mon paradis! Et savez-vous ce qu'il y a de plus beau, de plus formidable et de plus extraordinaire? C'est que mon plus grand rêve, une fois revenue de mon voyage en Chine, serait d'avoir retrouvé suffisamment de vision pour pouvoir conduire un jour ma propre voiture! Je me vois déjà, sur la route qui mène en Gaspésie, au volant de mon super bolide, aller présenter la nouvelle Moi à ma famille là-bas! Avec du bon Country pour accompagner le tout, il n'y a rien de mieux, je vous le dis!

 

Voilà, vous venez de découvrir le tourbillon de passions que je suis. J'espère que cet autre petit bout de moi vous a plu. J'ai déjà une foule de merveilleuses idées pour les prochains  articls. je n'ai pas fini de vous surprendre!

 

Merci de votre fidélité et de vos commentaires. ils me vont tous droit au coeur.

Des petits bouts de moi #5: Une deuxième famille

Après 4 années passées à titre de pensionnaire à l'école, j'allais franchir un nouveau tournant. En effet, l'école adopta une nouvelle politique qui voulait que le côté hébergement soit aboli. Pour que tous les élèves puissent continuer à fréquenter l'école normalement, il ne restait alors que deux solutions possibles: 1) les parents déménagent plus près de l'école; 2) Les élèves habitant trop loin de l'école se retrouvent dans des familles d'accueil qui s'occupent d'eux durant la semaine et ils retournent chez leurs parents la fin de semaine.

 

De mon côté, je me retrouvai dans la deuxième situation. Il fut donc décidé, au beau milieu de ma quatrième année scolaire, qu'on allait me trouver une famille qui allait m'accueillir 5 jours par semaine et que je retrouverais mes parents et mon frère la fin de semaine. Mais alors là... Imaginez un peu les milliers, ou peut-être les millions de questions qui affluaient dans ma tête! Moi, dans une autre famille que la mienne? Allaient-ils m'aimer? Allaient-ils faire une différence entre moi et leurs «vrais» enfants? Allais-je m'y sentir bien? Serais-je la bienvenue? Allais-je y trouver ma place? Allaient-ils tous m'aimer, dans cette nouvelle famille? Seraient-ils sévères? Aurais-je envie d'obéir à leurs règles comme j'obéissais aux règles chez moi? Les règles allaient-elles être bien différentes de celles de ma famille à moi?...

 

Autant de questions qui finiraient par trouver leurs réponses... Tout d'abord, j'eus l'extrême soulagement d'apprendre que j'allais être placée dans la même famille que mon ami Martin Chouinard, un excellent ami à moi dont je vous parlerai un jour, très sûrement. Donc, j'avais un ami sur les lieux; excellente nouvelle! J'ai donc, avant de rencontrer Monique, la maman de ma future famille d'accueil, bombardé mon ami Martin de questions. Comment s'appelait chaque membre de la famille? Quel âge avaient-ils? Comment étaient-ils? Comment agissaient-ils avec lui? Parlaient-ils déjà de la petite nouvelle qu'ils allaient bientôt accueillir? Et, patiemment, Martin a répondu à TOUTES mes questions. Jusqu'au jour où, sur l'heure du dîner, on me présenta une dame qui, au départ, me parut austère et pas tout à fait sympathique... Le tout sans savoir que cette dame qui s'était assise avec moi à la cafétéria était nulle autre que... Bon, bref, je demandai à Martin: «C'est qui cette bonne femme-là?» Rappelons ici que je n'avais que 9 ans, alors les premières impressions ne sont pas toujours exprimées avec tact à cet âge ingrat... (rire) Lorsque je sus que la «bonne femme» que je venais de rencontrer était nulle autre que celle qui allait m'accueillir pendant 2 ans, eh bien... je ressentis un malaise de l'avoir ainsi maltraitée par mes paroles et je tentai immédiatement de la voir autrement. D'ailleurs, elle n'était rien de ce que j'avais perçu ce jour-là...

 

Je fus donc, une semaine plus tard, accueillie chez les Aubé, une famille tout simplement adorable où j'ai passé 2 merveilleuses années. Monique et Yves étaient les heureux parents de Normand et Benoît, deux frères super gentils avec Martin et moi. Cette belle petite famille avait un atout majeur: ils s'entendaient tous à merveille et dégageaient une harmonie parfaite en tout temps. C'était ce que j'appellerais une famille modèle.

 

Étaient-ils sévères? Non!!! Du moins, moins avec moi qu'avec mon ami Martin (rire) qui devait faire l'effort de goûter aux mets qu'il n'aimait pas, alors que moi, je bénéficiais d'un steak le soir des fameux vol-au-vent... (rire) Il régnait là-bas une discipline saine, de façon à ce que le respect soit priorisé, mais pas d'autorité exagérée; juste ce qu'il faut. Étaient-ils gentils avec moi? Oh que oui!!! On aurait dit que j'étais la fille qu'ils n'ont pas eue. Ils m'ont chouchoutée, choyée, aimée comme si j'étais l'une des leurs.

 

Et, finalement, la grande question: y a-t-il de la place pour aimer deux familles en même temps? Eh bien, je dirais que oui, mais de façon différente. Je crois que notre coeur s'agrandit de façon infinie lorsqu'il s'agit d'aimer, n'est-ce pas? Alors, ai-je été bien et ai-je aimé les Aubé? Oh oui! Et j'ai de nombreux souvenirs impérissables avec eux...

 

C'est là, entre autres, que j'ai appris à jouer aux jeux vidéo. Eh oui! Même avec nos handicaps visuels, Martin et moi avions appris, grâce à nos deux frères d'accueil Benoît et Normand, à jouer avec eux à des jeux vidéo, en allant nous asseoir directement devant le téléviseur et hop! On s'amusait pendant des heures avec eux...

 

Monique aimait bien jouer dans mes cheveux et me faire mille et une coiffures, car j'avais les cheveux très longs. Mais, figurez-vous que j'avais un trait de personnalité très marqué, qui l'est encore aujourd'hui d'ailleurs: j'étais et je suis toujours extrêmement perfectionniste. Donc, lorsque Monique se transformait en coiffeuse pour l'occasion, je vérifiais toujours soigneusement si la coiffure était impeccable et si, par malheur, je découvrais un cheveu qui sortait de l'élastique ou que celui-ci était trop lousse et que des cheveux potentiels pourraient quitter le bel arrangement... eh bien, croyez-le ou non, je tirais et, d'un seul coup, je défaisais toute l'oeuvre d'art de Monique pour la refaire, sans mèches rebelles... (rire)

 

Il y avait une chose que Monique et Yves aimaient par-dessus tout: c'était lorsque je chantais. Mon père et moi avions appris une chanson ensemble dont tout mon entourage a entendu parler ou a connu notre interprétation. C'était une chanson qui faisait partie d'une histoire pour enfants intitulée «Émilie Jolie». Mon père et moi chantions la chanson titre de cette histoire ensemble et on faisait fureur chaque fois que l'on l'interprétait. Monique etYves me demandaient toujours pour la chanter.

 

Finalement, un dernier petit souvenir un peu cocasse: De temps en temps, j'avais comme un surplus d'énergie à dépenser rapidement et je partais, d'un seul coup, à courir d'un bout à l'autre de la maison en me jetant sur les divans et en me roulant par terre. J'en ai encore le fou rire en y pensant. Monique appelait ces débordements d'énergie ma «va-vite». Alors, lorsqu'une telle pulsion me prenait, on disait: «Tiens, Katia fait sa va-vite!» (rire)

 

Oh!!! J'allais oublier un souvenir très important de cette belle période de ma vie. yves était allé me reconduire, un jour où j'avais manqué mon autobus, à l'école. Ce matin-là, je lui posai des questions à savoir comment fonctionnait une voiture, comment on changeait les vitesse, comment on la mettait en marche, etc... Eh bien, c'est avec patience et douceur que ce cher Yves m'expliqua tous les rudiments de base d'une voiture! Il me montra même à la mettre en marche et à changer les vitesses! Et, je vous le dis, c'est à partir de ce moment que je développai une folle passion pour la route et tout ce qui se conduit! C'est aussi dès cet instant que je fis le rêve de conduire un jour et si, en revenant de mon traitement en Chine, je parviens à conduire un jour, vous imaginez bien que j'aurai une pensée pour yves qui m'aura fait découvrir le merveilleux nivers de l'automobile...

 

Voilà qui conclut le chapitre de mon enfance. Ensuite, je vais commencer, tranquillement, à aborder l'adolescence, le secondaire et bien plus encore...

 

C'est à suivre!

 

Merci de me lire et au plaisir d'avoir vos commentaires!

Des petits bouts de moi #4: La différence

Même si je vous avais promis un article intitulé «Une deuxième famille», je considère avoir fait un oubli dans le récit de mon petit bagage de vie. Alors, permettez-moi, si vous le voulez bien, une petite halte supplémentaire dans l'univers de mon enfance scolaire.

 

Étant donné que l'école Nazareth et Louis-Braille était la seule à offrir des services scolaires pour les personnes handicapées visuellement dans la région, il y avait, un peu comme dans la société en général, beaucoup de gens tous très différents les uns des autres, avec, dans certains cas, plusieurs handicaps en même temps ou même certaines personnes avaient, en plus de leur handicap visuel, une déficience au niveau intellectuel. C'est donc à l'école, durant ma vie de pensionnaire, que j'ai appris à fraterniser avec des gens de tous les niveaux de handicap et de tous les niveaux intellectuellement aussi. Évidemment, étant une personne hypersensible, chacune de ces rencontres spéciales m'a marquée énormément.

 

C'est à cette époque, déjà, que j'apprenais à m'occuper de ceux qui avaient plus de difficultés que moi, puisque les éducatrices nous demandaient de nous occuper des plus petits que nous ou, bref, de ceux qui ne pouvaient se déplacer seuls dans l'école. Étant donné que moi j'avais un peu de vision et que je n'avais aucune autre problématique à part mon handicap visuel, on me demandait d'amener, par exemple, des enfants qui avaient toutes sortes de difficultés, pour aller souper, disons. C'est alors que j'ai connu un de ces élèves en difficulté qui me pinçait continuellement pendant que je l,aidais à se rendre à la cafétéria (oh! combien je le craignais!), ou un autre qui sautillait pendant tout le trajet, etc... ou qui criait, ou peu importe... Cela m'a beaucoup marquée, mais j'ai immédiatement appris à développer mon sens de l'entraide. Et ce fut très facile, car j,adore aider les autres. Il m'arrivait, en grandissant, d'aider des élèves tout simplement plus petits que moi et qui ne savaient tout simplement pas encore s'y retrouver, dans cette grande école.

 

À un autre moment, on nous a demandé (moi je devais avoir environ 9 ans à cette époque) de passer du temps à l'heure du dîner avec des élèves en difficulté aussi, mais pas nécessairement ceux que l'on voyait le soir. J'ai donc dû m'occuper d'une petite fille entre autres qui adorait faire des casse-tête et elle m'adorait car j'en faisais avec elle chaque midi pour la désennuyer. J'étais infatigable et patiente et je l'aidais, si bien que lorsque les éducatrices m'ont demandé de m'occuper d'une autre élève, ma partenaire de casse-tête était bien triste de ne plus passer ses midis avec moi pour jouer. j'ai donc eu le bonheur de m'occuper de plusieurs personnes, comme ça, soit le midi, soit le soir, pour les aider ou les désennuyer, selon le cas.

 

Un petit garçon, entre autres, adorait jouer les animateurs de radio ou les présentateurs de météo. Moi, comme je savais que ça l'amusait, chaque fois que j'étais avec lui, je lui demandais de me livrer les récentes nouvelles ou les prévisions du temps et il s'animait soudain et m'inventait des bulletins d'actualité tous plus loufoques les uns que les autres, mais c'était beau de le voir s'animer lorsque j'arrivais près de lui pour jouer à faire de la radio... Disons que, généralement, j'avais le don de trouver des sujets qui passionnaient les petits dont je m'occupais et je me servais de ce qui les passionnait pour les faire rire ou rêver, selon le cas.

 

Mais, à travers toutes ces jolies expériences d'entraide, il faut quand même avouer qu'il y eut quelques ratés: deux personnes entre autres m'auront effrayée à un tel point que je me cachais lorsque je les croisais dans les couloirs. Un petit garçon qui mordait tout le monde... Alors, il s'approchait souvent de moi et hop! Il prenait une croquée dans ma joue... Oh mon Dieu! Combien j'ai pleuré! Chaque fois que je passais dans un corridoret qu'il était là, je m'enfermais dans une pièce jusqu'à ce qu'il parte. Et une petite fille qui me donnait la fessée avec mon propre sac d'école... Elle aussi m'effrayait énormément...

 

Mais, outre ces deux petites expériences pénibles, j'ai eu un plaisir fou à apprendre à connaître une foule de gens différents et à m'enrichir de leur présence.

 

Je vous retrouve au prochain article!

Des petits bouts de moi #3: La vie de pensionnaire

Bienvenue à la suite de cette petite série d'articles intitulée «Des petits bouts de moi». Lors de la dernière publication, je commençais à aborder cette période qui fut longue mais combien importante de ma vie où je dus passer mes semaines complètes à l'école et ne revenir chez moi que les fins de semaine. Mais pénétrons, pendant ces quelques lignes, dans l'univers de ces années où toutes les bases de mon éducation ont pris place et où j'ai appris bien plus que l'alphabet!

 

Évidemment, ce qui fut le plus dur pour moi était d'apprendre à fonctionner sans un pilier de ma famille à mes côtés. J'ai dû m'y consacrer entièrement et ce sans tarder, car nous vivions au moins une quinzaine de personnes ensemble et il fallait que je me fonde à ces gens déjà habitués à vivre en groupe.

 

Heureusement, pour m'aider dans cet apprivoisement radical, j'ai eu le bonheur de me faire deux amis qui m'auront infiniment facilité la tâche. Tout d'abord, Julie Berthelot, arrivée quelques années plus tôt, donc, déjà bien intégrée et familiarisée aux habitudes de l'école. En apprenant à la connaître, j'apprendrais bien vite à ne jamais me plaindre ni m'apitoyer: il y avait et il y aurait toujours pire que ce que moi-même je croyais le pire... Pourquoi? Parce que j'appris, en discutant avec Julie, qu'elle avait perdu sa mère à un très bas âge et elle ne voyait que très rarement son père et sa soeur. La fin de semaine, alors que moi j'avais l'immense bonheur de retrouver les miens, Julie était recueillie par une famille d'accueil. Et Dieu sait qu'elle a dû changer souvent de famille, pour toutes sortes de raisons dont je ne connais ou ne me souviens pas vraiment de la nature. Alors, Julie apprenait à se créer un environnement familial partout où elle s'installait et à jouir de tout ce qui l'entourait. Elle était presque toujours joyeuse, sauf lorsque la nostalgie lui prenait. Donc, en général, je pourrais dire de Julie qu'elle savait créer de la joie n'importe où, bref, partout où elle se trouvait. Alors, après avoir pris connaissance de son histoire, je me trouvais bien chanceuse de retrouver mes parents et mon frère toutes les semaines, même s'ils me manquaient énormément. J'ai donc décidé d'apprendre, avec elle, à créer de la joie partout où j'allais passer. Il est à noter que cet apprentissage m'aura été très salutaire, car je suis toujours ainsi aujourd'hui. Je suis joyeuse partout où je passe! Et puis, il s'est avéré que Julie m'a aimée tout de suite et a développé une confiance inébranlable en moi. On dirait qu'elle croyait que je pouvais tout faire, peu importe les difficultés. Je me suis même déjà perdue avec elle à mon bras et elle n'avait même pas peur puisque c'est moi qui la guidais. :) C'est donc à travers nos jeux tous plus fous et bizarres les uns que les autres que j'ai pu créer mon petit univers joyeux, après la classe, bien sûr! Car Julie et moi n'étions pas ensemble en classe mais bien après l'école. Il faut dire ici que Julie était totalement non-voyante alors que pour ma part, j'ai tout de même, pour m'aider, un 10% de vision fort utile. C'est pourquoi je pouvais la guider lorsque nous sortions et qu'un jour, une de mes distractions nous aura fait nous égarer un peu, mais vraiment pas longtemps... (rire) Nos jeux étaient fous et bizarres car vraiment pas nécessairement équitables et je vous avise tout de suite, ce n'est pas moi qui jouais les rôles les plus désavantagés, car ma bonne amie Julie se prêtait toujours volontaire pour les occuper! C'est ainsi qu'elle pouvait se retrouver à devoir m'attraper alors que je faisais semblant de me sauver d'elle à toute vitesse à bord d'un tricycle (oui oui, je me promenais à la course avec un tricycle à l'intérieur de l'école!). Inutile de vous dire que c'était totalement injuste puisque Julie était à pied et qu'en plus, elle n'avait que le son de mon super bolide pour se donner une idée de la direction que j'avais prise... Ou bien, elle pouvait se retrouver dans une espèce de cabane de carton, spécialement conçue pour qu'on puisse y entrer pour jouer) et à devoir, pour les besoins du jeu, faire semblant d'y être coincée...  Mais consolez-vous, nous avions aussi des moments de jeu conventionnels, du style au père et à la mère, etc... (rire) Avec elle, j'aimais aussi aller me balancer dans le jardin tout en chantant à tue-tête. C'était donc ma première vraie grande amie.

 

J'ai eu aussi le bonheur d'avoir un complice académique hors pair et aussi un excellent ami: StéphaneDoyon. Lui ne dormait pas à l'école, alors on ne se voyait que durant les heures de classe. Mais combien il était attentionné et sympathique. Aussi, nous partagions un aspect très important de la vie scolaire: nous étions studieux et sérieux en classe. Disons que nous étions les petits génies de notre classe, des espèces de surdoués qui adoraient apprendre et travailler toujours plus pour réussir toujours mieux. En plus d'être génial, Stéphane possédait une grande écoute; je pouvais donc me confier aisément à lui lorsque le besoin s'en faisait sentir et c'était avec une maturité exemplaire qu'il prêtait son oreille à mes confidences.

 

D'ailleurs, je vous offre ici une savoureuse anecdote concernant mes deux complices d'école: mon papa avait composé une petite chanson qui racontait très bien comment ça se passait à cette époque. J'étais arrivée, une fin de semaine, avec un petit bout de mélodie que j'avais entendue durant la semaine. J'ai pris ma flûte à bec et je l'ai jouée à mon cher papa qui décida d'en composer un autre petit bout pour compléter un petit couplet. C'est alors qu'il m'interrogea sur la vie à l'école, sans m'expliquer pourquoi il me posait toutes ces questions. Comme j'adorais (et j'adore tooujours) parler, je me prêtai de bon gré à cette petite entrevue. Un peu plus tard, il me chanta, avec le petit bout de mélodie que je lui avais rapporté et son complément à lui, la chanson que voici, que j'ai chanté pendant toute mon enfance par la suite:

 

«Stéphane mon ami
Stéphane mon ami
Tu es tellement gentil
Que de toi je m'ennuie
À la classe le matin
Nous allons main dans la main
L'important dans la vie
C'est d'avoir un ami

 

Le soir après l'école
On s'amuse, on rigole
On chante avec Julie
Avec tous les amis
On a une belle atmosphère
On est fier de la Volière
Moi j'aime bien les chats
Mon nom est Katia».

 

Il faut noter ici que la Volière était le nom qui était donné au module dans lequel j'étais classée, qui était constitué de tous les jeunes enfants. Il y avait, pour les adolescents, Les Coccinelles et les jeunes adultes se retrouvaient au Grenier. Il y avait donc 3 modules de pensionnaires. Moi, j'étais chez les plus jeunes, à la Volière.

 

en plus de mes deux grands amis, j'eus le plaisir d'avoir un autre ami réconfortant, très réconfortant même et aussi très fidèle: Offenbach. Qui était Offenbach? Un magnifique ours en peluche qui, au tout début de sa longue vie, était ravissant, tout neuf, tout beau, tout rempli de peluche moelleuse. Mais il termina sa vie bien flétri, le corps presque vidé de son contenu pelucheux et avec le nez tout écrasé... (rire) C'est qu'il me suivit très très longtemps, ce cher Offenbach. Et quand je dis suivre, cela veut dire PARTOUT, même dans la piscine! Je dormais avec lui TOUS les soirs, en prenant soin, pour m'assurer de l'avoir avec moi toute la nuit durant, de le placer en dessous de moi. Je dormais donc à plat ventre sur mon ami de peluche. Il a consolé beaucoup de larmes, partagé beaucoup de joie aussi. Il est donc venu aussi à l'école avec moi, mais il n'était pas question qu'il assiste à mes cours! Mais... N'allez pas imaginer qu'il n'est jamais venu en classe... Il est venu une seule fois, dans le sac de mon joyeux complice Stéphane... (rire) Heureusement que c'est la gentille Rita qui l'a trouvé; je n'ai pas été très punie. En fait, pas par elle, mais par les éducatrices qui m'attendaient au retour de la classe, en se demandant où je pouvais bien l'avoir mis... (rire) Offenbach est légendaire dans ma faille. Tout le monde l'a connu et même mes cousines ou petites amies ne s'avisaient jamais de me le prendre, ou s'ils essayaient, c'était de courte durée, car ma mère était immédiatement alertée... (rire)

 

Durant mon primaire, j'eus également le plaisir d'avoir des professeurs adorables. En première année, Micheline, donc je semblais être le chouchou, qui m'appelait «Mademoiselle la Fée» et qui me prenait sous son aile chaque fois que nous avions des sorties parascolaires. Je travaillais bien et je crois qu'elle adorait ça. Et puis il y eut Rita, qui se nomme maintenant Roseline. Rita, telle qu'on la connaissait à l'époque, était vraiment la meilleure institutrice au monde selon tous ceux à qui elle a enseigné. Avec elle, si je vous disais que tout le monde finissait par adorer l'école... Elle avait le tour, croyez-moi! Pour elle, chaque élève était le plus important. On se sentait tous quelqu'un de grand à ses côtés et on avait juste envie de se dépasser. Lorsqu'on recevait ses félicitations et que l'on savait qu'elle était fière de nous, nous nous sentions vraiment comme les meilleurs au monde! Elle avait le don de nous donner cette place qu'on n'avait qu'à prendre si on désirait être heureux en classe. C'était aussi simple que ça. elle inventait des jeux pour nous faire retenir les règles de grammaire: Monsieur Pluriel qui venait s'ajouter partout où il y avait plus d'une chose... Le G qui était doux devant un E ou un I mais qui devenait furieux devant un A, un O et un U... Le C qui était tout comme le G, mais qui se faisait adoucir par la cédille qui le forçait à être doux même devant un A, O, U... (rire) Et on en faisait des petits sketches même! Et il y en avait bien d'autres de ces petits jeux inventés par Rita/Roseline... En mathématique aussi, avec mes dames Unité, Dizaine et Centaine ainsi que Monsieur Millier, ainsi que la police Zéro... Plein de trucs qui faisaient que même calculer était amusant.

 

Et puis, au module, c'était les éducatrices qui nous apprenaient à être autonomes, à faire notre lit le matin, à laver notre bain après en être sortis chaque soir, à bien se tenir à table, à manger proprement, etc... Toutes ces petites choses qu'on apprend chez soi, moi, je l'apprenais un peu chez moi et beaucoup à l'école.

 

Bon, assez parlé d'école. Lors de mon prochain article, je vous promets un autre petit bout de moi où je vous entretiendrai au sujet d'«une deuxième famille».

 

Au plaisir de lire vos commentaires!

Des petits bouts de moi #2: L'enfance

Je crois sincèrement avoir été une enfant chérie par ma famille. J'ai eu droit à une enfance où la joie et l'épreuve m'attendaient déjà, tour à tour, afin de vite vite commencer à remplir mon bagage d'expériences de vie.

 

Née dans une famille de musiciens et de chanteurs, l'ambiance à la maison était toujours à la fête. Pour constituer mon cadre familial, un père complice et rieur, qui faisait absolument toutes mes 4 volontés (d'ailleurs, elles étaient toujours raisonnables alors ce n'était pas trop exigent) et une maman très fière, aussi autoritaire que réconfortante, avec une confiance inébranlable en mes capacités, de sorte que jamais je n'aurais pu avoir envie d'insinuer que je n'étais pas capable de faire telle ou telle chose. Elle a su me guider sur une route droite avec beaucoup d'amour et de volonté de toujours m'aider à me dépasser. Pour compléter le tableau familial, il y avait aussi mon frère, de 3 ans mon aîné, qui menait sa petite vie à mes côtés sans faire beaucoup de bruit. Nous étions comme tout frère et soeur et nous vivions, chacun à notre manière, notre vie, à l'intérieur comme à l'extérieur du cadre familial.

 

Chez nous, on s'amusait tout le temps, mais un jour, il a fallu commencer l'école, comme toute bonne petite fille. Mes parents avaient fait les démarches afin de m'inscrire dans une école spécialisée pour les personnes ayant une déficience visuelle, afin que je reçoive les meilleurs services et la meilleure éducation possible.

 

C'est donc en 1980 que je suis entrée à l'école Nazareth et Louis-Braille qui abritait aussi l'Institut du même nom. C'est à ce moment précis que j'ai dû apprendre à sortir de mon petit cocon familial et couper le cordon, comme on dit. Puisqu'à partir de cette période, j'ai dû dormir à l'école, du dimanche au jeudi soir inclusivement. Je devais donc apprendre aussi à vivre en groupe, puisque je n'étais pas la seule à y être pensionnaire, évidemment. Tous les élèeves habitant trop loin de Longueuil pour faire le voyage matin et soir dormaient, comme moi, à l'école. Comme nous habitions à Mascouche à cette époque, il fallait passer par cette étape incontournable. Nous étions divisés par groupe d'âge dans des modules différents. J'étais donc avec des enfants à peu près de mon âge qui, pour la plupart, s'accomodaient très bien de ce mode de vie. Mais pour moi, l'adaptation fut longue et déchirante. Les nuits presque blanches à pleurer ma mèere étaient nombreuses durant la première année. Les 2 à 3 premières nuits de chaque semaine se déroulaient ainsi pour cette toute première année de pensionnat. J'implorais les surveillantes de nuit d'appeler ma mère pour qu'elle vienne me chercher. Pour me calmer, elles me disaient qu'elles iraient l'appeler et je finissais, à bout de fatigue, par m'endormir.

 

Mais malgré ces grosses larmes d'ennui de chez moi, je puis vous assurer que j'ai aussi BEAUCOUP appris. J'y ai reçu une impressionnante quantité d'informations qui allaient me servir toute ma vie durant. C'est là que j'ai appris à communiquer avec d'autres personnes que mon entourage immédiat et à m'extérioriser et à apprendre. Comme j'aimais apprendre (et j'adore toujours apprendre). C'est durant ces années que je faisais mes plus belles prouesses académiques. Si mes nuits étaient tristes, je vous assure que mes journées, elles, étaient meublées de réussites scolaires en tous genres. Je cumulais les A sur mes bulletins, à la grande fierté de ma famille et de moi-même, bien entendu. J'étais heureuse d'apprendre vite et bien. J'avais l'impression qu'avec cette faculté, je pourrais aller où je voulais dans la vie. Et je crois, en effet, que cela m'aura beaucoup aidée. :)

 

Le vendredi, après les cours, j'étais la petite fille la plus heureuse de la Terre! Je rentrais chez moi, où mes parents m'attendaient, survoltés, heureux de me retrouver et de savoir tout ce que j'avais appris durant la semaine. Quel bonheur de les retrouver!

 

C'est ainsi que mon enfance a débuté... Mais gardons-en pour un prochain article.

 

J'espère que ce petit périple au coeur de moi-même vous plaît. À très bientôt pour un autre petit bout de moi!

Des petits bouts de moi #1: Introduction

Ce qui nous permet d'avoir envie de développer une amitié avec quelqu'un, c'est une connaissance assez approfondie de la personne qui nous amène à nous lier d'amitié. Mais lorsque l'on est une personnalité publique, plusieurs personnes s'adressent à nous sans toutefois nous connaître réellement, à part la carrière qui nous a propulsés là où nous nous trouvons.

 

Lorsque j'animais à la radio, j'étais reconnue pour être une personne très humaine; j'écoutais mes auditeurs comme si nous étions des amis de toujours et, à l'occasion, je livrais des tranches de ma propre vie afin de créer entre eux et moi une complicité qui donnait l'impression de nous connaître. À présent que j'ai choisi de quitter la radio et de me faire plus rare sur scène et ce pour toutes sortes de raisons, il reste un endroit où je vous retrouve, avec un plaisir toujours renouvelé: Facebook, bien sûr!

 

Cet après-midi, je vous ai demandé de me raconter votre souvenir le plus marquant. En réponse à cette demande, vous m'avez donné énormément, en m'offrant vos messages et/ou témoignages qui m'ont profondément touchée. Puisque vous m'avez tant donné, j'ai eu envie de vous donner, en retour, des bouts de moi-même, rassemblés en un bouquet de témoignages représentant des souvenirs, des fragments de vécu aussi authentiques que je sais l'être et qui, je l'espère, nous permettront d'être des amis encore plus complices.

 

Bonne lecture!

lundi 16 mai 2011

Accepter de perdre pour gagner

Lundi le 9 mai dernier, alors que je me dirigeais avec mon amoureux vers l'hôpital Sainte-Justine afin d'y rencontrer celle qui avait réussi un miracle en 1990 pour moi, c'est-è-dire de sauver ma jambe gauche qui ne présentait pas vraiment d'espoir de survie, je faisais une rétrospective de tout ce qui a suivi cet incontournable événement qui a changé ma vie voilà déjà 21 ans. Pour le bénéfice de ceux qui ne me connaissent pas (mes amis Twitter et Facebook, notamment), permettez-moi de vous ramener en arrière, soit jusqu'au 4 octobre 1990... Suivez-moi...

C'était une journée tout ce qu'il y a de plus ordinaire. Une de mes bonnes amies, Lucie, était venue me rejoindre après les cours. En ce qui me concerne, je venais de commencer mes études collégiales en musique au Cégep de Saint-Laurent. Mon amie, elle, terminait son secondaire par les cours aux adultes. Nous n'allions donc pas à nos cours ensemble, mais fréquemment, après la journée de cours, nous nous retrouvions pour nous détendre un peu.

Ce soir-là, donc, nous avions soupé chez moi (j'habitais avec ma mère; j'avais alors 16 ans). Par la suite, je demandai à mon amie si cela lui dirait de m'accompagner chez Archambault, puisque j'avais besoin de me procurer certaines partitions musicales et, peut-être, un CD ou deux, tiens, pourquoi pas? Elle accepta avec joie, car nous aimions beaucoup ces petits moments de magasinage ensemble. Le 4 octobre, cette année-là, étant un jeudi, nous avions tout le temps nécessaire pour faire nos emplettes sans devoir nous presser.

Je sortis donc de chez Archambault avec les partitions que je cherchais. Tout était parfait. Nous étions sur le chemin du retour, vers 20h30, lorsque nous sommes arrivées au métro Beaubien, là où tout a basculé...

Il faut tout d'abord mentionner que de mon amie Lucie et moi, je suis celle qui voit le mieux; mon amie étant totalement non-voyante, même mon handicap visuel à moi m'a toujours donné une vision suffisante pour pouvoir guider mes amis lorsque nous nous déplacions. C'est drôle à dire, mais j'étais toujours la plus voyante dans mes groupes d'amis et j'adorais aider mes amis avec le peu de vision que je possédais. Donc, ce soir-là, nous étions sur le point de prendre l'autobus 18 Beaubien, en sortant du métro du même nom, quand l'autobus sembla au départ nous passer sous le nez. Entendant cela, je décidai de ralentir, en disant à mon amie Lucie: «On attendra le prochain, tout simplement». Seulement, l'autobus s'immobilisa afin de se préparer à effectuer un virage à droite au coin de la rue. Moi, dans mon impression, le chauffeur s'était immobilisé parce qu'il nous avait vues et qu'il s'apprêtait à nous faire monter à bord. Je dis donc à Lucie: «C'est notre chance, il s'est arrêté. Il nous a sûrement vues. Viens!» J'entraînai donc mon amie jusqu'aux portes de l'autobus où je me tenais, prête à y monter dès que les portes s'ouvriraient. Mais quelle ne fut pas ma surprise lorsque je me rendis compte que le chauffeur, en réalité, ne nous avait pas vues du tout et se préparait tout bonnement à effectuer son virage à droite... Je commençai donc à reculer, en m'apercevant que le mastodonte avançait de nouveau, mais... mon geste de recul ne fut pas assez rapide pour éviter que le côté du véhicule me heurte et me projette sur le côté. Donc, l'autobus me bouscule, je tombe sur le côté droit, propulsant mon amie Lucie beaucoup plus loin derrière, ce qui lui permit d'éviter de passer sous les roues du véhicule. Moi, de mon côté, tout s'est passé très vite. Lorsque je me suis retrouvée par terre, je savais que je n'avais pas le temps de me relever, puisque l'autobus roulait toujours et venait vers ma jambe, lentement mais indéniablement. Je me souviens que je me suis dit: «C'est fini. J'ai eu une belle vie heureuse, j'ai été privilégiée... Mais c'est terminé maintenant...» Et BANG!!! La roue arrière droite roule sur ma cuisse gauche et la sensation est bien vivante dans ma mémoire, cuisante, aussi intense qu'elle l'était, ce 4 octobre 1990... Ma mémoire est intacte, je n'ai aucunement perdu connaissance. Une fois le passage de la roue terminé, je fus abasourdie de constater que j'étais toujours là, bien vivante. Je me souviens de m'être dit: «Quoi? Je suis encore là? Pour vrai?» Et à tous ceux qui se demandent si ça fait mal, la roue d'un autobus qui vous passe sur le corps, je dirai ceci: sur le coup, non. Le corps est merveilleux et, en situation d'extrême intensité comme celle-ci, parvient à s'anesthésier lui-même afin que l'on puisse supporter ce qui arrive.

Je me rappelle parfaitement de tout ce qui est arrivé après, jusqu'à ma première opération. Ensuite, j'ai perdu la notion du temps pour au-delà d'une bonne semaine. Mais revenons à ce 4 octobre, tout de suite après le passage de l'autobus. J'étais allongée sur la chaussée, entourée de curieux et de gens qui tentaient de me secourir en attendant l'arrivée des ambulanciers. Une fois les secours arrivés sur place, je me souviens des éternelles questions d'usage afin d'éviter que l'on perde connaissance... On me demandait mon nom, la date, l'endroit où je me trouvais, etc. Eh bien, moi qui ne connaissais pas ces procédures du haut de mes 16 ans, je croyais qu'ils me riaient en pleine face à toujours me redemander ces sempiternelles questions auxquelles je venais de répondre des tas de fois... Tout en me faisant déposer sur la civière de l'ambulance, je sentis une douleur cuisante dans le bas de mon dos et, lorsqu'on me leva pour justement m'installer sur ladite civière, je sentis mes os craquer au bas du dos et dans mon entre-jambe... Oh la la... Que venait-il de m'arriver? Je n'avais aucune idée de l'ampleur des dégâts, alors. Je me rappelle aussi des ambulanciers qui déchiraient mes jeans afin de constater dans quel état ma jambe gauche se retrouvait. J'étais consternée en pensant à mes vêtements en lambeaux (rire).

Une fois à l'hôpital Sainte-Justine, je reçus tous les soins nécessaires, évidemment. Après tous les examens qu'ils me firent passer, ils ont pu constater l'étendue des ravages: 5 fractures au bassin, plus de circulation dans la jambe gauche et plusieurs muscles complètement morts au bas de cette même jambe et la peau très amochée sur la fesse droite, où le véhicule m'a traînée sur quelques mètres.

C'est donc ainsi que le premier risque d'amputation a fait son apparition, après que les médecins aient constaté l'état dans lequel se trouvait ma jambe. Heureusement, le docteur Suzanne Vobecky est parvenue à rétablir, de justesse, une certaine circulation dans cette jambe qui montrait tous les signes de la fin. Elle fut donc sauvée, cette jambe... Et le docteur Vobecky dira, un an plus tard, en me voyant debout sur mes deux jambes, que ce fut un miracle.

Je vous épargne les longs chapitres de toutes les chirurgies qui furent nécessaires à mon rétablissement et toute la période de réadaptation. Tout cela, au total, prit 8 mois. 8 mois durant lesquels j'étais supportée de façon admirable par ma famille et mes amis. Dans la journée, ma mère me faisait la lecture et le soir, mon père et moi nous chantions, j'apprenais des chansons, j'ai aussi appris la guitare durant cette période. J'avais BEAUCOUP de visite, croyez-moi et c'était toujours la fête chaque soir. Je crois que c'est tout cela, tout ce support, qui m'aura grandement aidée à passer à travers. Une fois tirée d'affaire, je retrouvais une parfaite autonomie. J'en fus quitte pour un léger manque d'équilibre et une endurance défaillante à la marche, mais rien de dramatique. Je pouvais continuer à foncer dans la vie, à présent.

Je repris les études à l'automne 1991 et hop! La vie continua de suivre son cours. J'eus au moins 10 ans de répit, où je pouvais mener une vie parfaitement normale, avec pour seules contraintes mon équilibre défectueux et mon endurance amoindrie pour marcher. La seule ombre au tableau de ces années de parfait bonheur apparent, c'est que cette jambe enflait... sournoisement, un tout petit peu à la fois... très lentement...

En 2001, toutefois, ma jambe me rappela qu'elle demeurait fragile... Une infection des chairs à l'intérieur (une cellulite) fit son apparition. J'appris donc que j'allais devoir surveiller cette jambe de près; que ce genre d'infection était susceptible de réapparaître de temps à autre; de faire attention. Ce que je fis.

Un autre petit répit, jusqu'en 2009 où une autre cellulite très sévère apparut, suivie de plusieurs autres. Ma jambe avait continué à enfler, devenant de moins en moins flexible, de moins en moins mobile... Puis, lentement, j'ai assisté à la dégringolade de l'autonoomie: les mois avançaient, me retirant chaque fois un peu de liberté ou d'autonomie.

Puis, à présent, l'insuffisance veineuse s'est mise de la partie et maintenant, les médecins ne voient qu'une avenue possible: l'amputation. C'est le docteur Vobecky elle-même que je suis retournée voir il y a de cela une semaine, le 9 mai, qui me proposa cette solution, avec beaucoup d'égards et une grande délicatesse. Au début, lorsque j'ai reçu le coup, ce fut très dur. Les 3 premiers jours suivant cette implacable nouvelle, j'ai pleuré tout ce que j'avais à pleurer. Il y eut même des moments où je n'avais pas envie de raconter ce qui venait de se passer... 3 jours difficiles, éprouvants, mais au cours desquels je me rappelai bien vite que j'avais un entourage extraordinaire. J'ai une famille merveilleuse, un amoureux absolument exceptionnel, dévoué jusqu'au bout et toujours là pour moi, peu importe ce qu'il y a à traverser. J'ai aussi un fils adorable, un ado aux aspirations éternellement positives pour sa petite maman. Et des amis formidables, inconditionnellement présents. J'ai aussi des collègues attentifs et très compréhensifs. Tout ce support que j'ai réalisé que j'avais m'a fait un bien fou. Je dirais que ça m'a donné des ailes.

En bout de ligne, j'ai fini par réaliser, après en avoir beaucoup parlé et l'avoir analysé sous tous ses angles, que l'amputation est un mot bien dur, bien lourd à prime abord, mais dans mon cas, c'est vraiment la meilleure solution. Je crois que même si j'aurai des étapes à passer, sûrement beaucoup de réadaptation à vivre, mais au bout du compte, je regagnerai ma qualité de vie, enfin! Après avoir fait le bilan de la situation, je me rends compte que cette solution, bien que radicale en apparence, me redonnera ma liberté, mon autonomie et ma qualité de vie.

Je suis sur le point de vivre tout un cheminement, mais j'ai la force nécessaire pour le faire et j'accepte de perdre ma jambe, pour finalement gagner ma qualité de vie.

En terminant, si vous avez vécu ce que je m'apprête à vivre ou si vous connaissez des forums où il est possible d'échanger à ce sujet, je serais heureuse d'en discuter. J'aimerais avoir une idée de ce qui m'attend prochainement.

Au plaisir d'avoir vos commentaires sur ce témoignage, si le coeur vous en dit!