Vous vous demandez sûrement pourquoi un bout de moi peut porter un titre aussi bizarre que celui-ci. Eh bien, vous comprendrez aisément dans quelques secondes. Suivez-moi...
Imaginez un instant la situation suivante: vous avez à peine 6 ans (disons 6 ans et moins). Votre maman vous prépare un petit déjeuner qui, normalement, ferait l'envie de tout autre enfant qui se respecte. Elle vous présente une assiette bien remplie: oeufs, bacon ou autres viandes, petites patates, toasts, fruits, etc. Bref, un déjeuner copieux! Vous accueillez ce festin en ne gardant que les toasts. Ah oui... sans les croûtes, très important. Plus tard, vous demandez à votre mère de vous offrir à dîner, alors elle vous offre mille et une possibilités: soupe? Sandwich? Pâtes? Fruits et légumes divers? Peu importe! Vous finissez par demander: "Puis-je avoir des patates pilées s'il te plaît?" Au souper, le scénario se répète. On vous offre des repas tous plus appétissants les uns que les autres et vous revenez à votre demande du midi: "Pourrais-je avoir des patates pilées s'il te plaît?"
Aberrant, impossible, incroyable, pensez-vous? Eh bien non, cela est tirée d'une histoire vécue et par nul autre que moi. Je ne saurais vous dire pourquoi mon rapport avec la nourriture fut et est encore si compliqué, mais il n'en demeure pas moins que j'ai passé au moins les 6 premières années de ma vie à ne manger que des pommes de terre en purée et des rôties sans les croûtes et tartinées seulement avec du beurre, rien de plus. Si on me demandait ce que j'aimais manger, il m'arrivait souvent de répondrre catégoriquement: "Rien". C'était ainsi et pour moi, c'était normal.
Le problème, avec ce genre d'alimentation, vous vous en doutez bien, c'est que ma santé finissait par en être affectée, bien entendu. C'est ainsi que, très régulièrement, je finissais par tomber malade. Cela se présentait invariablement sous forme de gastro. Les symptômes que je ressentais étaient identiques: maux de coeur, vomissements, etc. La différence entre ces épisodes que j'avais et une véritable gastro, c'est que pour me remettre sur pied, mes parents devaient m'emmener à l'hôpital où on me branchait à un soluté pour rééquilibrer tout mon système en vitamines et autres trucs importants pour être en bonne santé. Quelques minutes plus tard, mon système ayant absorbé ce cocktail de bonnes choses, les vomissements cessaient, les nausées prenaient la poudre d'escampette et je me sentais comme une neuve! Bien sûr, on me gardait en observation pendant quelque temps, on me faisait toutes les prises de sang et autres tests importants puis, une fois que j'avais bien fait le plein de tout ce qu'on trouve normalement en mangeant un peu de tout, je pouvais repartir, aussi pimpante que s'il ne s'était rien produit!
On dira un jour que ces épisodes de pseudo-gastro représentaient en fait des espèces de crises d'hypoglycémie, étant donné que je ne mangeais presque rien. Ma maman, qui était fort découragée de me voir refuser toutes les bonnes choses qu'elle m'offrait à manger, eut beaucoup de difficulté à accepter cet immense problème alimentaire que j'avais. Lorsque les médecins ont parlé d'épisodes hypoglycémiques, ils ont recommandé de me laisser me trouver une façon bien propre à moi de consommer une petite part de sucre. C'est ainsi que je trouvai une façon très exaspérante de prendre le sucre dont j'avais besoin, au grand désespoir de ma mère: j'aimais (et, je m'en confesse, j'aime encore) ouvrir le pot préparation pour lait au chocolat Quik en poudre et y plonger ma cuillère et le prendre directement comme ça, en poudre! Mais puisque c'était le seul sucre que je prenais, j'y avais droit (rire). Mon papa, qui était un illustre buveur de Quik, m'offrait une petite cuillère de poudre chaque fois qu'il se préparait un verre de cette succulente boisson.
Est-ce que cette situation a duré longtemps ou même, pire, dure-t-elle encore aujourd'hui? Rassurez-vous, non, cela ne dure plus depuis belle lurette! Je ne mange plus seulement des patates pilées et des toasts pas d'croûte (rire). Le tout se sera estompé progressivement avec le début de ma vie de pensionnaire. Les éducatrices ont eu la pénible tâche de tenter de me faire apprivoiser, peu à peu, de nouveaux mets. Mais imaginez le traumatisme que je vivais à chaque repas, puisque j'étais, disons, obligée de goûter à tout pour enfin espérer aimer de nouvelles choses et que, depuis que j'étais toute petite, on essayait déjà de me faire manger plein de choses sans pour autant réussir à me les faire aimer.
Au fil des découvertes culinaires que l'on me forçait à faire à l'école, je finis, heureusement, par admettre dans ma bouche et donc dans ma vie quelques nouveaux venus. Les viandes étaient ainsi acceptées, les pommes de terre sous toutes leurs formes, certaines soupes, les oeufs (brouillés très très bien cuits seulement) et certains desserts.
La problématique qui survint par la suite fut peut-être la source de ce qui arriva plus tard. Les éducatrices, à l'école, trouvèrent que, malgré les progrès que j'avais faits, le répertoire des aliments que j'acceptais de manger n'était pas suffisamment étoffé à leur goût. Elles décidèrent donc d'instaurer avec moi de nouvelles règles: je me DEVAIS, OBLIGATOIREMENT, de goûter à TOUT ce qui était au menu et ce, à chaque repas. Que cela me roule dans la bouche ou pas, je devais "faire des efforts". À un tel point que je n'avais pas le droit de me lever de table tant et aussi longtemps que je n'avais pas tout mangé. De cette période qui dura plusieurs années en ont résulté de bien désolantes conséquences...
À présent, j'ai conservé, bien malheureusement, plusieurs de ces traumatismes d'enfance qui m'ont fait bannir plein de bons aliments que j'adorerais aimer: je pense entre autres aux merveilleux fruits et légumes. Quel dommage de ne pas les aimer, eux qui me feraient un bien fou! Il y a aussi tous les desserts qui sont complètement bannis de mon existence. Mais pour les desserts, je suis bien contente de ne pas les aimer; ils ne m'apporteraient qu'un surpoids supplémentaire et rien de positif. Il y a aussi tout ce qui a une texture épaisse ou crémeuse qui est catégoriquement refusé dans mon assiette. Tout cela est aussi bizarre qu'invraisemblable, mais bel et bien vrai. C'est une barrière psychologique, je ne sais comment l'expliquer... Une sorte de mauvaise programmation, une barrière catégorique, un traumatisme... Peu importe comment on nomme ce phénomène, il me tient lieu de fidèle compagnon indésirable à tous les repas. Bien sûr, je ne suis plus malade maintenant à cause de ce complice empoisonné, car je mange beaucoup plus de choses qu'au temps des patates pilées et des toasts pas de croûte! Plus d'épisodes de gastro ou d'hypoglycémie. Toutefois, on peut me voir fréquemment trier le contenu de mon assiette ou plutôt demander à mon bien-aimé d'en être le filtre avant que je commence à manger (rire).
Voilà, c'était un autre petit bout de moi qui a encore une pointe d'actualité. J'espère vous retrouver au petit bout numéro 8 où j'aurai une autre page de mon livre de vie à vous offrir.
Au plaisir de vous lire!
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